Dans la conjoncture morose de ce début d'année, la faiblesse de la demande est une préoccupation grandissante chez les dirigeants de PME et TPE. La dégradation des perspectives d'activité est devenue un sujet d'inquiétude pour 45 % d'entre eux, un chiffre en progression régulière depuis un an, selon le dernier baromètre trimestriel Bpifrance Le Lab et Rexecode publié ce mardi. Résultat : seuls un peu plus d'un tiers des patrons ont désormais l'intention de relever leurs prix de vente, mais de façon modérée. Un signe supplémentaire laissant augurer d'un recul des pressions inflationnistes.

Dans les petites entreprises, le sujet des salaires et du pouvoir d'achat risque néanmoins de cristalliser encore des mécontentements cette année. Car même si l'opinion des patrons sur leur trésorerie s'améliore « très légèrement », les PME et TPE sont moins enclines qu'il y a quelques mois à lâcher du lest sur les rémunérations.

Tassement de la grille salariale

Selon l'enquête, seules 64 % d'entre elles comptent augmenter leurs salariés en 2024, alors qu'à la fin de l'an dernier, elles étaient près des trois quarts (72 %) à vouloir le faire. La hausse serait en moyenne de 2,6 %, soit tout juste le niveau moyen de l'inflation attendue en France cette année, mais moins que les 3,4 % de revalorisation accordés l'an dernier. « Les petites entreprises n'ont pas forcément la capacité d'augmenter les salaires sans mordre sur leurs marges », explique Philippe Mutricy, directeur des études de Bpifrance. De plus, tout en restant citées comme le premier frein à l'activité, les difficultés de recrutement sont jugées nettement moins fortes.

Alors que la question du rattrapage des bas salaires par le SMIC agite l'exécutif qui souhaite que le travail paie mieux, l'enquête de Bpifrance permet de cerner comment les PME et TPE françaises sont touchées. Parmi les entreprises interrogées, près d'une sur deux (49 %) se dit concernée par l'évolution du SMIC (les autres affirment payer davantage leurs salariés), avec à la clé des effets collatéraux.

De fait, dans le sillage du choc inflationniste de ces deux dernières années, celui-ci a été relevé huit fois depuis 2021. Le SMIC a ainsi bondi de 14,8 % sur la période. Ce qui a provoqué pour 34 % des entreprises sondées, un tassement de la grille salariale en 2023, les autres salaires ayant progressé à un rythme moins rapide. Seules 15 % des PME et TPE ont pris des « mesures immédiates » pour éviter que les écarts salariaux ne se resserrent.

Obstacles

Lorsqu'on les interroge sur ce qui les empêche d'augmenter ou de promouvoir les salariés autour du SMIC, deux obstacles principaux sont mis en avant par une majorité de patrons : le manque de marge de manoeuvre financière et le renchérissement du coût du travail, lié à la perte des allègements de cotisations patronales.« Le refus des hausses de salaires n'est pas uniquement le fait des dirigeants, il peut aussi venir des collaborateurs », note Philippe Mutricy. Ainsi, dans les entreprises où l'éventail des salaires s'est resserré, 18 % des patrons se sont déjà vu opposer « un refus de promotion, de formation ou de nouvelles responsabilités » par un salarié proche du SMIC selon le baromètre.

Dans ces sociétés, une minorité (22 %) indique vouloir corriger le tir avec des mesures de rattrapage, partiel ou total, cette année en revalorisant les salaires. Des augmentations individuelles sont aussi envisagées par un tiers des patrons. Toutefois, dans 42 % des PME et TPE, rien n'est prévu. Même si la majorité des dirigeants juge que cette situation de « trappe à bas salaires » représente un frein à la croissance de l'entreprise.