Les employeurs n'avaient pas anticipé l'accélération de l'inflation ; en revanche, ils anticipent son ralentissement. Le millésime 2024 s'annonce moins généreux que celui de l'an dernier en matière salariale. C'est ce qui ressort des travaux publiés vendredi par le Groupe Alpha. Cette entreprise spécialisée notamment dans le conseil aux CSE a passé au crible les quelque 600 accords portant sur les rémunérations déposés auprès du ministère du Travail et publiés sur le site Légifrance, au 10 janvier dernier.

Premier constat : alors qu'ils étaient marginaux, les textes ne prévoyant pas de mesure de hausse des salaires, au nombre de 127, constituent un peu plus d'un sixième des accords. « Sont surreprésentés parmi eux les secteurs de la santé et de l'économie sociale, ainsi que des PME de moins de 250 salariés », souligne Alice Rustique, chargée d'étude au Groupe Alpha.

Une politique salariale plus différenciée

L'examen des 421 accords prévoyant, eux, des augmentations salariales confirme lui aussi le changement de période. En moyenne, les budgets négociés continueront de progresser davantage qu'en 2022. Mais après une hausse de 4,6 % en 2023, leur rythme d'évolution devrait être ramené à 3,5 % en 2024 (3,6 % pour les non-cadres et 3,4 % pour les cadres). Ce ralentissement n'est pas seulement lié à la diminution de l'inflation, précise l'étude. Il résulte aussi du « ralentissement économique et [du] relâchement des tensions sur le marché du travail ». L'interruption de la baisse du chômage provoque un « rééquilibrage du rapport de force en faveur des entreprises », note le Groupe Alpha, qui souligne que « depuis trois ans, les augmentations suivent l'inflation sans la dépasser ».Cette année devrait en outre être marquée par un retour à une politique salariale plus différenciée. La reprise de l'inflation avait signé celle des augmentations générales l'an dernier. Cette pratique est restée majoritaire dans les entreprises ayant conclu un accord salarial pour 2024. Mais elle a régressé pour toutes les catégories de personnel. Tout comme ont reculé la pratique et le montant du talon, qui consiste en la garantie d'une augmentation minimale en euros tournée vers les bas salaires. Après être montée jusqu'à 70 % l'année précédente, la part des employeurs ayant accordé une augmentation générale à leurs ingénieurs et cadres est redescendue à 64 %, à 5 points au-dessus de 2022 tout de même, avec une hausse en moyenne de 2,69 %. Huit entreprises sur dix ont planifié une augmentation générale pour leurs ouvriers et employés et autant pour leurs professions intermédiaires, avec une progression moyenne respectivement de 3,14 % et de 3,04 %.

Moins de prime de partage de la valeur

La baisse de la distribution d'augmentations générales ne s'est pas déplacée sur des augmentations individuelles. Cette pratique a stagné pour les non-cadres et elle est même en baisse pour les cadres, avec un budget d'augmentations individuelles de 2,74 % pour ces derniers contre 2,06 % pour les ouvriers et employés et 2,12 % pour les professions intermédiaires.

Pour accompagner cet atterrissage de leur politique salariale, on aurait pu imaginer que les entreprises soient plus nombreuses à opter pour la distribution d'une prime de partage de la valeur (PPV). Ce ne sera pas le cas. 30 % des entreprises ayant signé un accord salarial ont prévu une telle prime, pour un montant moyen de 862 euros. « Cette pratique est moins fréquente qu' en 2023 (37,5 %) et le montant moyen est plus faible (1.280 euros) », souligne le Groupe Alpha.

Sans doute faut-il y voir un lien avec le fait que le régime fiscal et social de la PPV est devenu moins avantageux pour les salariés des entreprises de plus de 50 salariés. « Plusieurs facteurs nous laissent à penser qu'en 2024, beaucoup d'entreprises ayant eu recours à une prime de partage de la valeur vont plutôt se tourner vers un supplément de participation et d'intéressement », indique Alice Rustique.