En cette rentrée, la question des salaires va être posée alors que le pouvoir d'achat est au coeur des préoccupations des Français. Après les promesses formulées par les partis pendant la campagne des législatives - notamment un bond du SMIC de 14 % proposé par le Nouveau Front populaire -, il risque d'y avoir des déçus.

Selon le dernier baromètre trimestriel de Bpifrance, Le Lab et Rexecode, publié ce mardi, les PME et les très petites entreprises (TPE) françaises sont moins nombreuses qu'en début d'année à avoir déjà effectué des augmentations de salaires ou à en prévoir en 2024. Elles ne sont plus que 58 % à envisager une revalorisation, contre 64 % en février. De plus, la hausse moyenne atteindrait 2,1 %, au lieu des 2,6 % qui étaient anticipés quelques mois plus tôt. Les salaires - hors prime, intéressement, etc. - progresseraient ainsi au même rythme que le niveau moyen de l'inflation attendu cette année par l'Insee. Certains salariés seraient néanmoins mieux lotis : près d'un quart (23 %) des patrons annoncent des augmentations supérieures à 3 %. Pour Philippe Mutricy, directeur des études de Bpifrance, ce moindre dynamisme des salaires découle du recul plus rapide qu'attendu des tensions inflationnistes en France. Selon l'Insee, la hausse des prix tomberait à 1,6 % en décembre sur douze mois.

Et le tableau d'ensemble s'est aussi assombri. « Il y a une dégradation lente mais continue des indicateurs à l'exception des conditions de financement qui s'améliorent un peu », dit-il. Le niveau de la demande est devenu le principal frein à l'activité cité par 55 % des petites entreprises, devant les difficultés de recrutement et la concurrence exacerbée, une préoccupation montante. N'ayant plus la capacité de relever leurs prix pour protéger leur profitabilité, elles sont aujourd'hui plus nombreuses à prévoir un recul de leur marge nette cette année (46 %, +4 points par rapport à février).Le plus préoccupant est toutefois la révision à la baisse des intentions d'investissement : seuls 46 % des patrons de PME et TPE déclarent avoir investi ou vouloir le faire en 2024. Ce qui représente un recul de 4 points par rapport à février et de 11 points par rapport au troisième trimestre 2023. Pour ne rien arranger, les budgets vont également être réduits. Si la faiblesse des carnets de commandes pèse sans doute dans leur décision, l'attentisme domine chez les entrepreneurs, dans l'expectative depuis l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale au soir du 9 juin.

Le poids de l'incertitude politique

L'enquête de Bpifrance et Rexecode a été réalisée entre le 28 août et le 3 septembre 2024, soit juste avant la nomination de Michel Barnier à Matignon. Elle quantifie les effets dépressifs provoqués par les élections législatives anticipées et leurs résultats sur le tissu des PME et TPE. Plus d'une sur deux (51 %) considère que l'incertitude politique devrait avoir un impact négatif « fort » sur son activité et un petit tiers (31 %) attend un impact « modéré ».

Dans ce contexte, une majorité (56 %) de patrons prévoit de geler ou d'annuler ses projets d'investissement, et 49 % entendent suspendre ou stopper leurs recrutements. « On est au même niveau d'incertitude qu'en octobre 2020 au moment du deuxième confinement » pour faire face à l'épidémie de Covid, relève Philippe Mutricy. « Dans une période où la croissance est incertaine, les chefs d'entreprise ont besoin de visibilité pour lancer des projets », poursuit-il, avant de conclure sur une note optimiste : « Le pire n'est jamais sûr. L'investissement peut aussi rebondir, comme après le Covid, mais pour cela, il faudra qu'ils soient rassurés sur ce qui les attend en matière budgétaire et fiscale. »