Après une première demi-journée d'audience à huis clos au pôle judiciaire de Mendoza (ouest) lundi, les avocats des parties ont indiqué qu'à la demande de la juge les débats reprendraient mardi.
Cette deuxième journée doit être consacrés à la plaignante, une Argentine de 39 ans.
Lundi, le parquet a plaidé pendant près de trois heures pour un non-lieu, c'est-à-dire de l'abandon des poursuites, comme il l'avait annoncé en octobre à l'issue de l'instruction. L'avocat des joueurs Rafael Cuneo Libarona a plaidé dans le même sens pendant plus d'une heure.
Me Natacha Romano, avocat de la plaignante, s'exprimera à son tour longuement mardi, après quoi la défense des joueurs "aura droit de réponse et au dernier mot", a-t-elle rappelé.
La juge Eleonora Arenas présidant l'audience pourrait rendre sa décision dans la foulée, mais aussi la mettre en délibéré à quelques jours, ont estimé des avocats.
- Une "victime accusée de mentir" -
Auradou et Jegou, 21 ans, demeurent inculpés de viol aggravé car commis en réunion, faits présumés survenus dans la nuit du 6 au 7 juillet dans un hôtel de Mendoza, où le XV de France venait de jouer un test-match contre l'Argentine, suivi d'une "troisième mi-temps".
Tous deux affirment depuis le début que les relations sexuelles avec la plaignante, rencontrée en boîte de nuit, étaient consenties et sans violence. L'avocate de la plaignante a dénoncé en revanche un viol avec "violence terrible".
Si le consentement, ou non, est au cœur des affaires de viol, le fossé dans ce dossier est apparu spectaculaire entre les versions radicalement opposées des protagonistes. Seule convergence: il y a bien eu actes sexuels dans la chambre d'hôtel entre les joueurs et la plaignante, et dans un contexte alcoolisé.
Fin août le parquet, autorisant le retour en France des joueurs, avait estimé que "l'accusation initiale a perdu de sa force". Auparavant, les joueurs avaient passé un peu plus d'une semaine en détention préventive, puis près d'un mois assignés à résidence.
Me Cuneo Libarona a salué lundi un "très, très bon" exposé du parquet au terme d'"une enquête extrêmement productive": 18 témoins, 13 éléments vidéo ou audio, 6 médecins ou psychologues expertisant, a-t-il énuméré.
"Pour la défense, il n'y a eu aucune espèce de délit" et "oui, il y a bien eu consentement de cette demoiselle de 40 ans", a-t-il résumé.
Auparavant, son collègue German Hnatow avait résumé pour l'AFP l'affaire à une "dénonciation scandaleuse", un "mensonge mal intentionné (...) avec visées financières" d'indemnisation.
Me Romano a déploré une audience où "ils ont accusé une victime de mentir", au lieu "d'évaluer ce qui s'est passé entre quatre murs" de la chambre.
Elle a dit craindre "une plainte pour faux témoignage, une demande de réparations" à venir contre sa cliente, car "c'est le style" de l'avocat des joueurs, a-t-elle dénoncé.
- L'"après-Mendoza" dans le rugby -
Dénonçant depuis des mois une "partialité" de la justice de Mendoza, Me Romano a tenté successivement de faire récuser les deux co-procureurs chargés de l'enquête, puis la juge. Recours déboutés.
Elle a dit lundi continuer d'espérer "que soit rejetée la demande de non-lieu, que cette affaire aille à un procès, et qu'ils continuent d'enquêter comme il se doit". Avec un nouveau procureur.
A 11.000 km de Mendoza, le rugby français continue pour sa part de digérer l'onde de choc de "la nuit de Mendoza" - où un autre joueur, Melvyn Jaminet avait tenu sur ses réseaux sociaux des propos racistes, qui lui ont valu d'être suspendu.
Trois victoires des Bleus lors de la tournée d'automne ont redonné primauté au terrain, mais "l'après-Mendoza" promis par les instances du rugby français est en marche: sur le cadre de vie, la consommation d'alcool, le déroulement des tournées, la prévention, les sanctions éventuelles.
Rentrés en France début septembre, les deux inculpés ont repris le rugby en compétition: depuis octobre pour Auradou, novembre pour Jegou. Tous deux ont de nouveau joué ce week-end en Top 14.