Manuel Valls a réussi à faire approuver hier par l'Assemblée la trajectoire budgétaire de la France, sans avoir besoin de la neutralité bienveillante des centristes. Le plan d'économies présenté par le Premier ministre a été adopté par 265 voix pour, 232 contre et 67 abstentions. La droite s'est divisée, avec 205 votes contre (192 UMP, 7 centristes de l'UDI, 6 non-inscrits), 21 abstentions (17 UDI, 3 UMP et un non inscrit) et quatre vote pour (3 UDI et un UMP). Et la gauche plus encore, avec 261 votes pour (242 PS, 13 radicaux de gauche, trois écologistes, deux apparentés communistes et un non inscrit), 46 abstentions (41 PS, deux écologistes, deux radicaux et un apparenté communiste) et 28 votes contre (13 communistes, 12 écologistes, 3 chevènementistes). L'abstention de centristes a creusé l'écart. Mais, à quelques voix près, elle ne s'est finalement pas avérée nécessaire au gouvernement pour l'emporter. C'est ce que souhaitait Manuel Valls. Aussi a-t-il salué « un acte fondateur, important pour la suite du quinquennat du président de la République ». Sauf que le Premier ministre a essuyé un record de défections dans les rangs socialistes avec 41 abstentions. Pourtant, il avait mis les bouchées doubles pour en réduire le nombre. Le matin dans le huis clos du groupe PS, il avait averti, criant dans son micro selon les témoins : « Le vote de tout à l'heure est un vote de confiance, c'est un vote collectif. Il conditionnera la légitimité du gouvernement et la mienne. » Il prenait de fait le risque de radicaliser les commentaires en cas de contre-performance, mais le Premier ministre était tout tendu vers son objectif : prouver qu'il sait diriger la majorité. Il n'avait donc laissé aucune échappatoire aux sceptiques : « Il n'y a pas de "non mais", il n'y a pas d'abstention positive. » Et il n'a pas hésité à dramatiser l'enjeu. Pour le pays : « C'est la crédibilité de la France qui est en cause [...] la France est en train de décrocher, nous sommes là pour la redresser. » Et pour la gauche : « Ce n'est pas à la droite de faire la majorité. C'est à vous de faire la majorité. Assumez-là ! Il faut se battre », a-t-il lancé avant d'insister : « Au bout de deux ans, on s'arrêterait ! Mais qui gouvernerait à notre place ? Pas le Front de gauche, pas les écologistes, ce sera la droite, ce sera l'extrême droite. Assumons l'exercice du pouvoir ! »
A l'issue du vote, le chef de file des députés UMP, Christian Jacob, s'est empressé de diagnostiquer « un vrai échec et une vraie fissure dans la majorité ». Ses troupes ont aussi calculé que le PS ne disposait plus, à partir d'aujourd'hui, d'une majorité absolue au Palais Bourbon (il faut 289 voix). C'est vrai et c'est ce que ce que voulait les frondeurs socialistes afin d'instaurer un rapport de force dans la négociation avec l'exécutif. Ce cadre posé, les deux bords, au sein du PS se sont voulus apaisants ; « On n'est pas condamnés au bras de fer », a déclaré Christian Paul, l'un des animateurs de la fronde. Il faut « se rassembler », a assuré le premier secrétaire du PS, Jean-Crhsitophe Cambadélis, tandis que le chef de file des députés, Bruno Le Roux, veut « dialoguer avec ceux qui se sont abstenus ».