Aucun gouvernement ne l'avait fait jusqu'à présent. Manuel Valls a annoncé hier le gel de toutes les prestations sociales pendant dix-huit mois. Les retraites, les allocations familiales, les aides à la garde d'enfant et au logement seront concernées. Seuls les minima sociaux comme le RSA ou le minimum vieillesse seront épargnés par ce large coup de rabot. Les prestations sont habituellement revalorisées, tous les ans, au même rythme que l'inflation. Cela ne sera provisoirement plus le cas. La prochaine augmentation n'interviendra qu'en octobre 2015. Autrement dit, pendant un an et demi, tous les retraités, du privé comme du public - ils sont plus de 15 millions -, vont voir leur pouvoir d'achat reculer. Il en sera de même pour près de 7 millions de foyers avec enfant et plus de 6 millions de bénéficiaires d'aides au logement. Ce gel « n'ira pas au-delà de 2015 », le Premier ministre en a pris « l'engagement » hier soir sur France 2.
Tour de vis généralisé
Manuel Valls et François Hollande ont hésité avant d'annoncer ce tour de vis généralisé. L'exécutif sait que la mesure sera très impopulaire dans l'opinion. Elle est considérée comme « injuste » par une bonne partie de la majorité parce qu'elle frappe tous les allocataires, quel que soit leur niveau de revenus. S'il a néanmoins décidé d'aller dans cette direction, c'est que la mesure rapporte beaucoup : 2 milliards d'euros d'économies d'un coup d'ici à 2017, dont 1,3 milliard pour les retraites de base. Pour réaliser le même volume d'économies, il aurait fallu réformer une par une telle ou telle allocation, voire en supprimer certaines, en pénalisant des populations, certes moins nombreuses, mais de façon plus douloureuse à chaque fois. L'exécutif espère que le gel passera plus facilement, en tout cas pour les ménages relativement aisés, d'autant que l'inflation est tombée à un niveau historiquement faible.Il n'empêche, cette mesure est historique. Le gouvernement Fillon avait gelé les prestations familiales pendant trois mois en 2012. Le gouvernement Ayrault a lui aussi décalé la revalorisation des pensions de six mois dans le cadre de la réforme des retraites votée en 2013. Cette fois-ci, le gel est généralisé et il durera plus longtemps. Il viendra même amputer le plan de lutte contre la pauvreté annoncé fin 2012 : le RSA et deux prestations pour les familles modestes ne bénéficieront pas du coup de pouce promis avant octobre 2015.Appel aux partenaires sociaux
Le plan d'économies pour la protection sociale - 11 milliards d'euros hors assurance-maladie - ne s'arrête pas là. Manuel Valls a annoncé de nouvelles mesures d'économies pour la branche famille, en plus du gel (lire ci-contre). Les caisses de Sécurité sociale devront réduire leurs coûts de gestion à hauteur de 1,2 milliard d'euros. Cela se traduira par des baisses d'effectifs, déjà dénoncées par les syndicats. Le gouvernement fait aussi largement appel aux partenaires sociaux, qui gèrent les régimes de retraite complémentaire (Agirc-Arrco) et d'assurance-chômage (Unedic). Il leur demande de réaliser pas moins de 4 milliards d'économies avant la fin du quinquennat ! L'objectif est d'autant plus ambitieux que le patronat et les syndicats ont déjà signé des accords qui réduisent les dépenses. A l'Agirc-Arrco, les pensions sont revalorisées moins vite que l'inflation en 2013, 2014 et 2015. L'exécutif espère qu'ils prolongeront cette mesure jusqu'en 2017. « Ce n'est pas déraisonnable », estime une source gouvernementale. Les syndicats ne sont pas de cet avis. « Le Premier ministre reprend à son compte les exigences du patronat. Il lui ouvre un boulevard avant même l'ouverture de la négociation », déplore Philippe Pihet, vice-président (FO) de l'Arrco.