François Hollande et Manuel Valls avaient promis le débat. Ils l'ont. Et il n'est pas près de s'éteindre. Les arbitrages annoncés lundi soir par le chef de l'Etat sur la réforme territoriale ont suscité de nombreuses critiques, en tous sens et de tous bords. Les deux projets de loi, transmis au Conseil d'Etat, doivent être présentés le 18 juin en Conseil des ministres (l'un sur la carte régionale et le report des élections régionales à l'automne 2015, l'autre sur les compétences des régions et de l'intercommunalité) pour un début de débat parlementaire « en juillet » et une promulgation à la fin de l'année. L'exécutif veut aller vite. Mais le Premier ministre a passé sa journée, hier, à tenter de déminer. « Le débat s'ouvre. [...] Le plus important dans cette histoire, c'était d'enclencher un mouvement, que rien ne reste figé », a-t-il plaidé sur RMC, laissant la porte ouverte à des amendements au Sénat et à l'Assemblée sur le découpage des régions. La réforme va « forcément évoluer », a avoué Manuel Valls, au risque de pousser à son détricotage. Pour le président de l'Association des régions de France, le socialiste Alain Rousset, qui a appelé hier à « dépasser les clivages », il ne pourra toutefois s'agir que « d'ajustements, d'un découpage plus fin ». « Si le Parlement s'engageait sur des coups de ciseaux, je ne suis pas sûr que le résultat serait positif », a-t-il prévenu.L'exécutif sait qu'il doit manoeuvrer avec une majorité étroite, depuis le départ des écologistes. Il entend aussi donner des gages en vue de la réunion du Parlement en Congrès à Versailles qui devra permettre, d'ici à 2020, selon l'« objectif » fixé par François Hollande, de supprimer le conseil général. Sur ce point-là, le locataire de l'Elysée, qui avait demandé d'accélérer, temporise et revient quasiment au calendrier initial annoncé le 8 avril par le Premier ministre. Il a, il est vrai, déjà fort à faire avec la carte à 14 régions.François Hollande et Manuel Valls vont devoir gérer la grogne de plusieurs grands élus. En Languedoc-Roussillon, Christian Bourquin, hostile à la fusion avec Midi-Pyrénées, ne décolère pas. « Hollande a fait une carte des copains, avec toute une série d'exceptions », a-t-il fustigé. Le président PS de la région Auvergne, René Souchon, partisan d'une fusion avec le Centre et le Limousin plutôt qu'avec Rhône-Alpes, a prédit, « à terme, un éclatement de la région Auvergne ». Quant à la fusion surprise entre la Picardie et la Champagne-Ardenne, elle convient à la seconde, moins à la première. « Je suis très surpris, [...] je ne comprends pas bien la cohérence », réagit le président de Picardie, Claude Gewerc.

« Un petit arrangement entre barons »

Le statu quo des Pays de la Loire, qui ne fusionnent ni avec la Bretagne ni avec la région Centre ou Poitou-Charentes, mécontente aussi beaucoup de monde. La question du rattachement du département de la Loire-Atlantique à la Bretagne agite déjà. « Même dans nos pires cauchemars, on n'aurait pas pensé à une carte pareille », s'emporte le coprésident des députés écologistes, François de Rugy, partisan de ce rattachement.A droite et au centre, les critiques se sont concentrées sur la méthode : « Un petit arrangement entre barons socialistes », déplore le président par intérim de l'UDI, Yves Jégo ; « Un calage au gré des présidents de région qui ont gueulé le plus fort », fustige le président des députés UMP, Christian Jacob. Sur le volet financier aussi : des économies « illusoires », selon l'UMP Benoist Apparu, le discours de l'exécutif étant pour le moins fluctuant (lire page 3).De quoi ne pas s'étendre sur le fond, quand les visions divergent sur la réforme territoriale à droite et alors que celle réalisée par Nicolas Sarkozy avait été largement édulcorée face aux résistances de la majorité d'alors. « La méthode est désordonnée, mais la carte n'est pas totalement insensée, tempère le député UDI Michel Piron. Le vrai problème, c'est qu'on a un pouvoir politique très affaibli et qui a du mal à porter aujourd'hui ce message : on ne peut pas rester en l'état. A tous ceux qui sont contre, la question est : que proposez-vous ? »

Dossier sur la réforme territoriale sur lesechos.fr