A cinq mois de la généralisation de la réforme de l'accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), les conseillers sociaux des départements et France travail bûchent pour réussir une évolution qui fera date dans l'histoire sociale française. « C'est une évolution à l'envergure immense qui va consister à intégrer en deux ans des personnes très éloignées du marché du travail dans le service public de l'emploi », insiste Paul Bazin, directeur adjoint chargé de l'offre de services de l'ex-Pôle emploi. Elle concerne de fait potentiellement 1,2 million de personnes.
Sauf à ce que le prochain gouvernement ne la remette en cause, cette petite révolution constitue l'une des pièces majeures d'une réforme d'ensemble, celle qui a créé France travail. L'objectif ? Coordonner tous les acteurs de l'insertion et de l'emploi aux niveaux nationaux, régionaux, départementaux et locaux, ce qui n'est pas toujours le cas, tant s'en faut. L'objectif dans l'objectif ? Fournir aux allocataires du RSA notamment un soutien - « accompagnement », selon le terme convenu - intensif à même de les aider à trouver un travail durable.40.000 bénéficiaires
Une expérimentation a démarré en mars 2023 dans 17 territoires, étendue dans une trentaine depuis, avec des résultats que Paul Bazin juge « encourageants mais pas encore satisfaisants ». Un peu plus de 40.000 personnes en ont bénéficié, les deux tiers n'ayant pas le bac, huit sur dix présentant un frein social, de mobilité majoritairement. Après un diagnostic de leur situation, ils ont signé un contrat d'engagement unifié où figure notamment l'obligation d'effectuer 15 heures d'activité par semaine.
Dans les six mois qui ont suivi leur entrée dans l'expérimentation, 42 % des bénéficiaires du RSA ont retrouvé au moins un emploi et 16 % un emploi durable (CDD de plus de six mois ou CDI).Au-delà des chiffres, le renforcement « considérable » de la coopération entre les différents intervenants est unanimement mis en avant. Près d'Amiens, dans les communautés de communes du Pays du Coquelicot et de Haute Somme, par exemple, les connexions entre France travail, le conseil départemental, la préfecture, la caisse d'allocations familiales, la structure d'aide aux femmes et le relais petite enfance n'ont jamais été aussi fécondes, malgré des logiciels qui ne se parlent pas encore bien. Pour Emmanuelle Fourmanoir, directrice des Hauts de Somme au conseil départemental, « l'expérimentation nous a donné une légitimité pour ces échanges et nous a autorisés à construire l'accompagnement différemment ». « Si on m'avait dit il y a deux ans que la CAF viendrait dans les agences mener un atelier 'Je travaille j'y gagne !' je ne l'aurai pas cru », abonde Cédric Delhorbe, directeur de l'agence France travail Péronne-Albert.A Marseille, conseillers du département et de France travail ont mis à profit 2023 pour mieux se connaître, s'ajuster sur les diagnostics et les décisions d'orientation des allocataires, chacun se concentrant sur son expertise depuis. « Coopérer, cela ne signifie pas forcément tout faire ensemble », souligne Sandrine Jacob, la directrice de France travail pour les Bouches-du-Rhône. « Nous partagions un objectif commun, l'emploi, quelles que soient la situation de l'allocataire et ses difficultés », complète Sabine Bernasconi, vice-présidente du conseil départemental. Avancée majeure : le dossier informatique de la personne est unique, ce qui évite bien des redites.Tout cela ne serait pas possible sans main-d'oeuvre supplémentaire. Quand le département de la Somme a pu recruter quatre conseillers sociaux à temps plein, les agences France travail de Péronne et d'Albert affectent une douzaine d'agents, à temps plein également, à l'expérimentation. Depuis mai, l'une d'entre eux prospecte les TPE ou PME avec un message : les allocataires du RSA étant beaucoup moins qualifiés, une formule gagnante passe par l'immersion en entreprise pour les embaucher.Les agences France travail de Marseille, elles, ont dû faire à effectif constant, le nombre élevé de quartiers prioritaires de la ville leur assurant les personnels suffisants pour l'instant, selon Sandrine Jacob. Le conseil départemental a reçu des crédits supplémentaires à destination des associations d'insertion pour qu'elles renforcent leurs effectifs. Et au-delà du 1er janvier 2025, quand tous les départements devront basculer dans la réforme ? Réponse lors du vote du prochain budget.