Depuis le retour du président américain à la Maison Blanche en début d'année, les Afghans ont progressivement vu s'envoler leurs chances de migrer vers les Etats-Unis ou d'y rester. Washington a d'abord suspendu l'entrée des réfugiés, puis révoqué le statut de protection temporaire de milliers afghans sur son sol.

L'annonce mercredi de nouvelles restrictions d'entrée sur le territoire américain, imposées à une vingtaine de pays, vient confirmer la politique migratoire particulièrement dure de Washington.

Si cette décision, qui entre en vigueur lundi, ne change pas la vie de la plupart des Afghans déjà soumis à de grandes restrictions de voyage, elle anéantit le peu d'espoir qu'avaient ceux ayant demandé refuge auprès des Etats-Unis pour fuir le pouvoir taliban, de retour aux commandes de leur pays depuis 2021.

"Les récentes décisions de Trump m'ont plongée, moi et des milliers de familles, dans l'incertitude, la détresse et d'autres malheurs", se désole Mehria, installée au Pakistan depuis le dépôt de sa demande de visa auprès de l'ambassade américaine en 2022.

- "Coincées" -

Les Afghans sont contraints de se rendre dans un autre pays, principalement le Pakistan, pour s'adresser aux ambassades qui ont quitté Kaboul après le retour au pouvoir des talibans.

Là, ils disent faire face à des pressions et des violences de la part des autorités pakistanaises pour quitter le pays, sur fond d'une vaste campagne d'expulsions.

"Nous avons abandonné (...) nos vies toutes entières" et "on passe d'un enfer à l'autre", déplore Mehria, 23 ans, qui n'a pas souhaité donner son nom de famille par souci de sécurité.

D'après la Fondation afghano-américaine, qui a condamné la récente décision américaine, les Afghans ayant collaboré avec les Américains pendant la guerre contre les talibans (2001-2021) et qui ont à ce titre un visa spécial dit "SIV", ne seront pas affectés par la nouvelle règle américaine.

Mais les quelque 12.000 personnes en attente de réunification avec des proches déjà sur le sol américain avec le statut de réfugiés, pourraient être touchées, d'après Shawn VanDiver, un ancien militaire américain qui dirige l'ONG AfghanEvac.

"Il s'agit de réunifications légales, approuvées, documentées", a-t-il noté sur X. "Sans exemptions, les familles seront coincées".

- "Situation désespérée" -

Zainab Haidari, 27 ans, a autrefois travaillé pour les Américains mais pour des raisons qu'elle souhaite taire, a demandé un visa de réfugié et non "SIV". 

"Malgré des promesses de protection, on se retrouve dans une situation désespérée, entre le risque de mourir entre les mains des talibans et la pression et la menace d'être expulsés du Pakistan", se désole Mme Haidari.

Sollicité par l'AFP, le gouvernement taliban n'a pas souhaité commenter la décision américaine mais a à de multiples reprises dit son souhait de dialoguer avec la communauté internationale, y compris avec Washington.

En mai, il a même dit être prêt à aider l'administration Trump à rapatrier les Afghans dont le statut de protection américain doit être révoqué.

Ils rentreront alors dans un pays englué dans la pauvreté et le chômage mais pourraient y bénéficier d'une amnistie, assure Kaboul, bien que l'ONU ait déjà fait état de cas d'exécutions et de disparitions depuis 2021.

Pour la majorité des Afghans, se rendre aux Etats-Unis n'est de toute façon qu'un songe.

L'index Henley sur la liberté de mouvement offerte par les passeports place celui de l'Afghanistan parmi les plus faibles au monde.

"On a même pas de quoi se payer du pain, pourquoi penser à aller en Amérique?!", lance ainsi un homme à Kaboul, souhaitant taire son identité.

Pour Sahar, qui malgré son diplôme en économie peine à trouver un emploi, la plupart des Afghans sont occupés à penser à autre chose.

"Quand il y a des dizaines de problèmes graves en Afghanistan, (la décision américaine) ne changera rien", estime-t-elle auprès de l'AFP.