Facilité de création, souplesse du régime, appétence pour le travail indépendant… Quinze ans après son lancement, le régime de l'autoentrepreneur (ou microentrepreneur) séduit plus que jamais, selon deux études du Crédoc et de l'Adie révélées par « Les Echos ». Entré en vigueur en 2009, après avoir été créé par la loi de modernisation de l'économie d'août 2008, son succès a été amplifié depuis le Covid. Mais « il reste encore associé à une forme de précarité », déplore François Hurel, le président de l'Union des autoentrepreneurs, un des inspirateurs du régime.

2,67 millions d'autoentrepreneurs

Selon les derniers chiffres fournis par l'Urssaf, 2,67 millions d'autoentrepreneurs étaient enregistrés à la fin de 2023 (+8 % sur un an), contre 1,71 million quatre ans plus tôt. Un nombre en constante augmentation depuis 2009, au lancement du régime. « Il connaît un succès indéniable. On enregistre 3.000 à 3.200 créations par jour depuis 2018, contre un millier auparavant », souligne François Hurel.

La pandémie a joué sur cet engouement, qui a vu fleurir les activités de livreur avec l'essor de l'e-commerce, les chauffeurs VTC ou la vente au détail. Selon l'Urssaf, 400.000 autoentrepreneurs supplémentaires ont été immatriculés entre juin 2020 et juin 2021.

Mais, en parallèle, le nombre de radiations s'est élevé à 320.000. Ces activités sont-elles plus fragiles que les autres ? « C'est, au contraire, sur le long terme, un des régimes les plus pérennes, affirme François Hurel. 6,2 millions d'autoentreprises se sont inscrites depuis 2009 ; il en reste environ la moitié en activité. » Le guichet unique, ouvert depuis janvier 2023, mais qui connaît des dysfonctionnements, est censé, à terme, faciliter encore davantage la création de ces microentreprises.

Un dispositif salué par les Français

Plus d'un million d'entreprises ont été créées en 2023, dont 60 % sous ce régime. « La plupart des entreprises n'auraient jamais vu le jour sans ce statut », tranche Alice Rosado, directrice générale adjointe de l'Adie. Selon un sondage réalisé par ce financeur des créateurs d'entreprise et Appinio, dévoilé par « Les Echos », 68,5 % des Français estiment qu'il a contribué à populariser l'envie d'entreprendre. Preuve qu'il a infusé partout, 6 sur 10 connaissent des autoentrepreneurs dans leur entourage.

Par ailleurs, 61,9 % d'entre eux jugent que ce régime a contribué de manière significative à l'économie française, et 65 % considéreraient comme préoccupante ou dommageable sa suppression. « Ce régime marche, il ne faut pas y toucher », plaide François Hurel. « Il est désormais inscrit dans la société française et dans les parcours de carrière », argumente-t-il.

Au départ, centré sur les artisans, commerçants, et très développé dans le BTP, le régime attire des profils de plus en plus variés, professions intellectuelles, libérales ou service à la personne.

Un complément de revenus pour 56 %

D'après une enquête du Crédoc que « Les Echos » se sont procurée, plus d'un autoentrepreneur sur deux (56 %) cumule le régime avec un autre statut, dont un quart avec un emploi salarié (16 % sont demandeurs d'emploi). Pour 39 % des « cumulards », l'activité en autoentrepreneur représente moins de la moitié des revenus. Ils sont donc 44 % à être exclusivement autoentrepreneurs et à vivre de cette seule activité. Une spécificité qui explique en partie des revenus peu élevés.« C'est une population qui a un faible pouvoir d'achat, et cela n'évolue pas beaucoup. Ceux qui ont ce statut depuis longtemps ne gagnent pas tellement plus que ceux qui arrivent », reconnaît Grégoire Leclercq, président de la Fédération des autoentrepreneurs, selon lequel le chiffre d'affaires moyen stagne autour de 10.000 euros net par an, soit moins que le SMIC (16.800 euros net). L'explication réside aussi dans l'effet de seuil : les entrepreneurs évitent de passer au-delà des plafonds de chiffre d'affaires (39.100 euros pour les services et 101.000 euros pour les ventes de marchandises) au-delà desquels ils doivent payer la TVA. « Mais en réalité, on est face à des situations très variées, entre des revenus parfois très élevés, lorsque c'est la seule activité, et beaucoup moins quand c'est en complément », analyse Alice Rosado.

28 % ont bénéficié d'une formation

Malgré des améliorations en matière de droits sociaux, le régime conserve une certaine exposition aux risques. Depuis quatre à cinq ans, des efforts ont été menés pour le faire converger avec le régime général des salariés : alignement en matière de Sécurité sociale (maternité, maladie, santé…), assurance-chômage (même si le système, très restrictif, ne concerne qu'une poignée d'entrepreneurs) et, dernièrement, retraite complémentaire (en échange d'une hausse des cotisations prélevée depuis juillet).

« Mais il reste des protections à acquérir », prévient Alice Rosado. C'est le cas en matière de logement ou de prêt immobilier, où la seule déclaration de chiffre d'affaires apportée par les autoentrepreneurs est considérée comme moins rassurante que des fiches de paie. Autre trou dans la raquette : la formation. Selon le Crédoc, un autoentrepreneur sur quatre (28 %) déclare avoir été formé à la création d'entreprise. « Il faut améliorer le recours au compte personnel de formation, pour qu'ils se forment à la trésorerie, la gestion du temps…, c'est aussi cela qui permettra une hausse de revenus », pointe Grégoire Leclercq.