"Le premier enjeu, c'est que New York soit abordable", résume, juste après avoir glissé son bulletin dans un bureau de vote à Brooklyn, Eamon Harkin, un DJ de 48 ans.

"La ville est devenue très chère. De nombreuses classes populaires et moyennes ne peuvent plus se permettre de vivre ici, et cela contribue à une crise des sans-abris et de la santé mentale. Pour moi, c'est le problème numéro un", ajoute-t-il en marchant, transpirant sous son débardeur, dans une chaleur étouffante de bon matin.

Parmi une dizaine de candidats, les sondages prédisent un duel entre deux personnalités aux histoires, styles et projets contrastés, à l'image des fractures du Parti démocrate, toujours sous le choc du retour de Donald Trump à la Maison Blanche.

- Complexe -

D'un côté, Andrew Cuomo, ancien baron local de 67 ans, tente son retour, quatre ans après sa démission fracassante du poste de gouverneur de l'Etat de New York sous les accusations, qu'il réfute, de harcèlement sexuel de plus d'une dizaine de femmes.

De l'autre, Zohran Mamdani, 33 ans, né en Ouganda avec des origines indiennes et candidat de l'aile "socialiste" du parti, soutenu par des figures de gauche comme Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez. 

L'élu de l'arrondissement populaire du Queens, qui se revendique "progressiste et musulman", a mené une campagne virale sur les réseaux sociaux et suscité l'enthousiasme d'une armée de jeunes bénévoles sur le terrain pour amplifier ses promesses contre la vie chère, dont la gratuité des bus, des crèches et le gel des loyers régulés.

Son éventuelle victoire constituerait un petit séisme politique, car Andrew Cuomo a longtemps fait la course en tête dans les sondages. Le vainqueur partira en pole position lors de l'élection à la mairie, prévue en novembre, mais Andrew Cuomo a indiqué qu'il comptait se présenter dans tous les cas en candidat indépendant.

- "Référendum" -

Nicholas Zantal, publicitaire de 31 ans, voit cette primaire comme "un référendum pour le Parti démocrate" : "soit nous penchons pour un candidat centriste (Andrew Cuomo), qui appartient à une génération différente, soit pour un parti plus jeune, ambitieux et idéaliste", explique-t-il après avoir voté.

Sheryl Stein, une quinquagénaire qui travaille dans le marketing s'est enregistrée démocrate pour voter Cuomo face au projet "trop extrême" de Zohran Mamdani. "Voir quelqu'un de 33 ans, sans expérience, diriger la plus grande ville de ce pays (...) c'est assez effrayant", explique-t-elle.

Le mode de scrutin est complexe. Les électeurs sont appelés à classer cinq candidats par ordre de préférence. Le dépouillement démarre dès mardi soir, après la fermeture des bureaux à 21h, mais si aucun candidat ne dépasse les 50% des voix, il se poursuivra seulement à partir du 1er juillet pour comptabiliser les 2e, 3e choix et suivants jusqu'à désigner un vainqueur.

La très forte vague de chaleur qui touche le nord-est américain, avec des températures ressenties jusqu'à 43 degrés Celsius, fait craindre une participation moindre. A 15 h, plus de 710.000 électeurs sympathisants démocrates ont voté, un chiffre incluant aussi le vote anticipé, contre près d'1 million d'électeurs en 2021.

- Trump -

La campagne s'est déroulée à l'ombre de Donald Trump, de ses politiques de coupes budgétaires massives et de répression contre les migrants.

L'un des candidats, Brad Lander, a été menotté la semaine dernière en plein tribunal par la police de l'immigration (ICE), alors qu'il cherchait à défendre des migrants menacés d'expulsion.

Dans ce contexte, Andrew Cuomo, adoubé par Bill Clinton, l'ancien maire Michael Bloomberg et des ténors démocrates, joue la carte de la notoriété et de l'expérience en se présentant comme le seul à même de tenir tête au président. 

L'actuel maire démocrate, Eric Adams, a renoncé à se présenter à la primaire. Il compte se présenter en candidat indépendant, mais souffre d'une image calamiteuse, accusé de se compromettre avec l'administration Trump en échange de l'enterrement de poursuites pour corruption.