"Je viens d'être investi pour assurer la direction du Haut commandement" militaire pour la restauration de l'ordre (HCM), a déclaré jeudi le général Horta N'Tam, après avoir prêté serment au siège de l'état-major.

Jusqu'ici chef d'état-major de l'armée de terre du pays, le général N'Tam est considéré comme ayant été proche ces dernières années du président Embalo.

Arrêté par les militaires dans un premier temps, ce dernier a rejoint le Sénégal "sain et sauf" jeudi, dans un vol affrété par le gouvernement sénégalais, a indiqué Dakar.

Mercredi, des militaires avaient annoncé avoir renversé M. Embalo et suspendu les élections présidentielle et législatives du 23 novembre, dont les résultats devaient être annoncés sous peu dans ce pays lusophone d'Afrique de l'Ouest à l'histoire jalonnée de putschs et de tentatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a dénoncé jeudi soir à New York "une violation inacceptable des principes démocratiques" et appelé à "une restauration immédiate et inconditionnelle de l'ordre constitutionnel", selon son porte-parole Stephane Dujarric.

La capitale Bissau a été à l'arrêt jeudi avec les magasins et marchés pour la plupart fermés et une forte présence des forces de l'ordre dans les rues quasiment désertées par la population, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Des militaires ont été vus quadrillant les environs du palais présidentiel, où des tirs nourris avaient créé la panique parmi la population la veille lors du déclenchement du putsch.

La Guinée-Bissau, située entre le Sénégal et la Guinée (Conakry), a déjà connu quatre coups d'Etat et une kyrielle de tentatives de putsch depuis son indépendance du Portugal en 1974. La proclamation des résultats électoraux y a souvent donné lieu à des contestations.

- "Période difficile" -

"La Guinée-Bissau traverse une période très difficile de son histoire. Les mesures qui s'imposent sont urgentes et importantes et requièrent la participation de tout le monde", a déclaré le général N'Tam après avoir prêté serment.

Mercredi, les auteurs du putsch avaient expliqué vouloir garantir la "sécurité au niveau national et rétablir l'ordre", évoquant la découverte par les "renseignements généraux" d'un "plan visant à déstabiliser le pays avec l'implication des barons nationaux de la drogue".

Pays très pauvre de 2,2 millions d'habitants, la Guinée-Bissau est affectée par des problèmes de corruption et est réputée être une plaque tournante du trafic de drogue entre l'Amérique du Sud et l'Europe.

Le HCM a annoncé jeudi l'interdiction de "toute manifestation, marche, grève ou action perturbant la paix et la stabilité" du pays. 

Il a en revanche levé le couvre-feu nocturne imposé la veille, nouveau signe d'une certaine stabilité malgré le coup d'Etat, après l'annonce le même jour de la réouverture de "toutes les frontières, fermées depuis mercredi après-midi".

Il a aussi ordonné "la réouverture immédiate" des écoles, marchés et des institutions privées.

Le HCM a également nommé jeudi un nouveau chef de l'armée, le général Tomas Djassi, précédemment chef d'état-major particulier du président Embalo.

Le candidat d'opposition à la présidentielle, Fernando Dias, a affirmé jeudi à l'AFP avoir remporté l'élection et accusé M. Embalo d'avoir "organisé" le coup d'Etat pour empêcher son accession au pouvoir. 

Le principal opposant bissau-guinéen Domingos Simoes Pereira - dirigeant du puissant PAIGC, parti historique ayant mené la Guinée-Bissau à l'indépendance - qui avait été écarté de la présidentielle de dimanche avant de soutenir M. Dias, a été lui aussi arrêté mercredi, selon des proches et un collaborateur. 

La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) a annoncé jeudi "suspendre la Guinée-Bissau de tous les organes décisionnels" de l'organisation, ainsi que le lancement d'une mission de médiation pour le "rétablissement complet de l'ordre constitutionnel".