Correction symétriques des bilans
L'administration qui rectifie une erreur à l'origine d'une sous-estimation de l'actif net au bilan de clôture d'un exercice doit, en principe, corriger symétriquement le bilan d'ouverture s'il contient la même erreur.
Le bénéfice imposable d'une entreprise se détermine par la différence entre les actifs nets de clôture et d'ouverture de l'exercice. Lorsque l'administration fiscale rectifie une erreur à l'origine d'une sous-estimation de l'actif net de clôture d'un exercice, la jurisprudence lui impose, afin de ne pas créer un bénéfice artificiel, de corriger symétriquement le bilan d'ouverture s'il contient la même erreur. Aucune variation de l'actif net n'est ainsi constatée.
Intangibilité du bilan
L'obligation de correction symétrique se heurte à une importante limite puisqu'elle ne s'étend pas au bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit. En conséquence, ce bilan, considéré comme définitif, ne peut être corrigé des erreurs affectant son actif net. L'administration est alors en droit de rehausser les insuffisances d'actif net du bilan de clôture de l'exercice.Exception
Fort heureusement, la règle de l'intangibilité du bilan peut être écartée. Ce « droit à l'oubli » s'exerce notamment lorsque l'entreprise apporte la preuve que les erreurs à l'origine de l'insuffisance d'actif net ont été commises plus de 7 ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit.Sont donc visées les erreurs intervenues au cours d'un exercice ouvert plus de 10 ans avant la notification de la proposition de rectification, en raison du délai de reprise de l'administration, en principe de 3 ans.La correction symétrique s'effectue alors de bilan en bilan, y compris dans le bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, jusqu'à rattacher l'erreur à son exercice d'origine. L'exercice étant prescrit, la rectification de l'erreur est sans incidence sur le résultat imposable de l'entreprise, qui est à l'abri de tout redressement.
Cas des provisions injustifiées
Le Conseil d'État a jugé que l'intangibilité du bilan s'applique en cas d'inscription non justifiée d'une provision pendant plusieurs exercices successifs, même si cette erreur a été commise il y a plus de 7 ans.
Le Conseil d'État a précisé la portée du droit à l'oubli dans le cas de provisions injustifiées.Les juges ont estimé que l'inscription non justifiée d'une provision pendant plusieurs exercices successifs, même si les montants sont identiques, constitue la répétition d'une même erreur. Et ce, quand bien même cette erreur a été commise pour la première fois au cours d'un exercice clos plus de 7 ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit.En effet, en application des règles comptables, les entreprises sont tenues de réexaminer chaque année l'opportunité de maintenir inchangée une provision au bilan, de l'augmenter d'une dotation supplémentaire ou de la diminuer par une reprise partielle.L'erreur n'a donc pas été commise une seule fois à l'inscription initiale de la provision mais s'est reproduite à chaque nouveau bilan dans lequel la provision a été maintenue.En conséquence, les provisions injustifiées maintenues au bilan d'exercices successifs, quelle que soit leur date de première inscription, sont exclues du droit à l'oubli et ne peuvent bénéficier de la correction symétrique dans le bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit.Le Conseil d'État applique donc la règle de l'intangibilité du bilan, permettant de réintégrer la provision dans le résultat imposable du premier exercice non prescrit.