"Il a été berné comme un bleu, c'est absolument évident", affirme Anne-Charlotte, 37 ans, ancienne compagne de Boris M., son "chéri" pendant sept ans. "Pour lui c'était un traquenard", renchérit Marc M., père de cet accusé, regrettant qu'il ait été trop "naïf". 

"Il s'est laissé berner, par fatigue (de son métier de pompier professionnel), par faiblesse", assure de son côté Robert L. au sujet de son fils Christian, 55 ans. "C'est pas un garçon à ça, (...) soyez pas trop dur avec lui", glisse l'octogénaire à la cour avant de quitter la barre.

Et les explications sont du même acabit pour Joseph C., 69 ans: c'est un homme d'une totale "droiture", "respectueux", qui n'a jamais eu "un geste déplacé" envers quiconque, insistent à la barre ses amis policiers et karatékas. Des hommes qui ont "la faculté de reconnaître les menteurs et les gens de mauvaise foi", insiste Me Bruschi, son avocat, soulignant leurs fonctions respectives aux Renseignements généraux, à la DST et à la DGSI.

Joseph C. est le seul des 51 accusés à ce procès hors norme à ne pas être jugé pour viol mais seulement pour agression sexuelle, faute d'avoir physiquement pénétré Gisèle Pelicot. Mais lui aussi avait répondu à l'invitation de Dominique Pelicot, ce septuagénaire qui pendant dix ans a drogué sa désormais ex-épouse pour la violer et la faire violer par des dizaines d'inconnus recrutés sur internet.

Les sept accusés dont les cas sont examinés cette semaine sont-ils venus en toute connaissance de cause, pour violer une femme assommée d'anxiolytiques ? Ou ont-ils été manipulés par Dominique Pelicot ?

"La relation était dissymétrique entre lui et les accusés", affirme en tous cas Alain Dumez, expert-psychologue, qui a notamment examiné Boris M. , Philippe L. et Nizar H.. "Il proposait un savoir faire, un modus operandi, auquel chacun a participé avec ses moyens. C'était une espèce de transaction dont le but pour eux (NDLR: les coaccusés) était d'obtenir une jouissance sexuelle".

- "Dominique Pelicot, "père symbolique" ? -

"Ce scénario a été pour lui une possibilité d'accéder à une forme de plaisir sexuel sans contrainte", a expliqué jeudi après-midi cet expert devant la cour criminelle de Vaucluse, à Avignon, évoquant le cas de Boris M., qui aurait cru à un banal "plan à trois" proposé par Dominique Pelicot. Et certes Gisèle Pelicot était inconsciente, mais il la croyait ivre, a-t-il expliqué à l'expert.

Entendu jeudi matin, sur les cas de Christian L., Nicolas F., 43 ans, et Charly A., 30 ans, Laurent Chaïb, autre expert-psychologue, a lui aussi dressé des portraits d'accusés apparemment décalés avec les faits.

"Fort sentiment d'abnégation" et "tendance forte à faire passer les sentiments de l'autre avant les siens", pour Christian L. "Posture d'abnégation mais aussi d'assujettissement" pour Charly A., "personnalité de type obsessionnel compulsif" pour Nicolas F. Les personnes présentant ce type de personnalité ont "tendance à réfléchir après coup", sous la pression "elles fonctionnent en mode automatique", explique-t-il. 

Alors Dominique Pelicot serait-il ce grand manipulateur  ? 

Accusé principal à ce procès, il n'était pas là pour réagir jeudi. Hospitalisé à Marseille pour la journée, pour des problèmes de santé qui avaient déjà provoqué une suspension de deux jours du procès mi-septembre, il devrait revenir à Avignon vendredi.

En attendant, ce sont les avocats de Gisèle Pelicot qui ont tenté de démonter cette thèse d'accusés trop crédules qui auraient cru à "un jeu consenti entre adultes".

Evoquant les 47 vidéos filmées par Dominique Pelicot lors des six visites de Charly A., Me Stéphane Babonneau s'est ainsi demandé si les conclusions de l'expert ne seraient pas "incomplètes", faute d'avoir eu connaissance des faits.

"Face à l'anxiété, il va avoir tendance à se soumettre", avance M. Chaïb, selon qui Charly A. aurait pu voir en Dominique Pelicot "une sorte de père symbolique".

Rappelant le projet de relation zoophile discuté par Nicolas F. avec une de ses interlocutrices sur internet, Me Antoine Camus, l'autre avocat de Gisèle Pelicot, souligne lui aussi le décalage entre les faits et le portrait psychologique de l'accusé.

"Sa personnalité ne le protège pas de ses pulsions sexuelles", convient alors l'expert.