La France pourrait perdre sa place de première destination mondiale du ski. Ce leadership qu'elle a acquis en 2012 et 2013 devant les Etats-Unis pourrait lui échapper après le résultat de cette saison : la fréquentation des domaines skiables de France a baissé de 4 % par rapport à l'hiver dernier et a stagné par rapport à la moyenne des quatre hivers précédents, selon les premières estimations. Un résultat qui s'explique en partie par la date tardive des vacances de printemps, qui ne représentent plus que 2 % de la saison, contre 8 % en 2009.

Twitter à la rescousse

Sur le terrain, les stations ont pourtant entamé une profonde révolution avec la montée en puissance de l'utilisation du numérique. « Les chiffres donnent le vertige. Aucun autre secteur que le tourisme n'est plus impacté par Internet », raconte Laurent Reynaud, délégué général de Domaines Skiables de France (DSF). 70 % des clients préparent leurs vacances en ligne et 56 % réservent de cette façon. Les médias sociaux véhiculent une information aussitôt captée par les veilleurs de l'Internet. Aux côtés des perchmen et des moniteurs de ski, les stations emploient désormais des veilleurs du Net. 24 heures sur 24, ils observent, répondent et chaque défaut est corrigé en temps réel dans la mesure du possible. Votre chambre est sale, vous avez perdu vos skis, vous venez de buter contre une poubelle sur la Croisette à Courchevel ? En temps réel, le problème est répercuté et corrigé. Les stations ont commencé à utiliser à leur profit la volonté des skieurs de se mettre en scène sur les pistes via Twitter et Facebook. Ce faire savoir alimente un réseau de nouveaux clients à l'instar d'une nouvelle frontière. En février dernier, France Montagne a lancé Cmamontagne. com, une plateforme de partage Web pour des photos, des vidéos ou les découvertes des internautes classées selon des catégories : gastronomie, culture et patrimoine, sports et adrénaline ou zen. Le Club Med a fait appel à ses fans sur Facebook pour choisir certains aménagements de son nouveau centre à Val Thorens, avant son inauguration prochaine, en décembre 2014. Didier Arino, directeur de ProTourisme, estime que les stations françaises ont entamé la segmentation de leur marché et leur différenciation.

Masque connecté

Techniquement, sur les pistes, même si la seule vallée de la Tarentaise, en Savoie, compte plus de lits touristiques que les pays du Maghreb, les files d'attente ont été contenues à coup d'investissements dans des télésièges débrayables pouvant transporter 3.000 personnes à l'heure. Mais 80 % des clients continuent d'emprunter seulement 20 % de pistes. Les 8 stations des 3 Vallées ont créé leur propre application iPhone, « 3 Vallées T'Où ? », qui permet de retrouver ses amis sur le domaine et de tchater avec eux en direct. Puis ce fut, en 2012, les « itinéraires dynamiques », qui suggèrent le meilleur itinéraire en fonction de son niveau et ses envies. Cette année, Les 3 Vallées produisent un masque Scott, vendu 530 euros, équipé de la technologie canadienne HUD (Head Up Display), qui permet de lire sur son écran, connecté par bluetooth à l'application, les statistiques de ses performances (vitesse, dénivelé, altitude) et toutes les informations du domaine en temps réel, de la météo au nombre de pistes ouvertes ou à la qualité de la neige. A partir de vendredi prochain, il sera même possible de louer une tablette et de se promener en consultant des documents en réalité augmentée.

Du « fat bike » au spa géant

« En Savoie, les Alpes offrent un terrain de jeu inimitable. Vos vacances prennent une nouvelle dimension ! », clame l'organisme Savoie Mont-Blanc sur son site. La liste des activités proposées aux vacanciers ne cesse de s'allonger : raquettes, parapente, mushing, montgolfière... Pour dévaler les pentes, il y a aussi le « fat bike », vélo équipé de larges pneus, et les yooners, K Track ou 3ski, des sortes de luges toutes plus farfelues les unes que les autres.« Les sports d'hiver de masse transformant l'espace montagnard en un gigantesque centre de loisirs conduisent à l'artificialisation et à la banalisation des paysages et menacent l'identité culturelle et les activités économiques traditionnelles », grince l'association de défense de l'environnement Mountain Wilderness. « Toute cette offre déclenche l'acte d'achat, le client a besoin de se rassurer, et c'est cette diversification qui le fera rester », réplique de son côté Laurent Reynaud.Depuis quelques années, les spas géants constituent l'équipement de base des stations d'altitude au même titre que la télécabine. A Avoriaz, Pierre et Vacances a investi 11,6 millions dans l'Aquariaz, une oasis au coeur des Alpes, un centre aqualudique qui, en moins d'un an, a accueilli 80.000 clients sous ses palmiers géants ! Comme il se doit, Courchevel triple la mise avec un investissement de 62 millions d'euros pour le centre aqualudique des Grandes Combes, qui devrait ouvrir pour la saison 2015-2016. Une webcam permet de suivre en direct l'impressionnant chantier de l'architecte allemand Eric Frisch.