Should I Stay or Should I Go ? » Pour une PME française, se lancer dans l'aventure de l'export a toujours été un défi de taille, donnant lieu à des hésitations dignes de la chanson des Clash. Est-ce le bon moment, quel marché attaquer, avec quelle équipe, quel investissement… Inutile de le dire : le contexte actuel, marqué par la montée du protectionnisme, une économie européenne en berne et une instabilité géopolitique, ne facilite pas la tâche.
« L'écueil, c'est de considérer l'international comme un tout. Auquel cas, l'actualité devient anxiogène car on met tout le temps l'accent sur les zones de conflit ou sur les crises, alors que la majorité des pays du monde sont des marchés où il y a plein de choses à faire », souligne Pierre Mongrué, directeur général adjoint de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Paris Ile-de-France, qui regrette une frilosité parmi les entreprises françaises.Un moyen de se « dérisquer »
Et pourtant, aller chercher la croissance hors de ses frontières s'avère souvent payant. « Il y a une règle mathématique assez simple : le marché hexagonal n'est pas infini », rappelle Olivier Vincent, directeur exécutif chargé des activités export chez Bpifrance. Et la croissance est hélas plus forte ailleurs. Le PIB de la France a ainsi progressé d'environ 1 % en 2024, contre près de 3 % pour les Etats-Unis et 5 % pour la Chine ou l'Indonésie, nouvel eldorado asiatique…Dans un marché français qui risque de faire du surplace en 2025, plombé par la crise politique et les difficultés de l'Allemagne, son premier partenaire commercial, l'international est certes un pari, mais c'est aussi un moyen de se diversifier et se « dérisquer ». D'autant plus que les PME et ETI françaises ont des atouts à faire valoir : innovation, technologie, notoriété de la marque France, une nouvelle génération plus à l'aise en anglais, etc. Encore faut-il respecter certaines règles…
« Ce qui est important, à l'export, c'est d'abord d'avoir une vraie volonté, et au-delà de la volonté, de développer une stratégie, de déployer un peu de moyens, parce qu'il en faudra. Et ensuite, être résilient », explique Didier Boulogne, directeur général délégué export de Business France, l'entreprise publique consacrée à l'internationalisation de l'économie française. Tous les ans, environ 30 % des PME qui se lancent à l'export abandonnent en route, faute d'avoir bien préparé le terrain.
L'aide de la Team France Export
C'est tout l'enjeu de la Team France Export, qui rassemble depuis 2019 Business France, la banque publique Bpifrance et les CCI. Auparavant, ces trois institutions avançaient en ordre dispersé. Elles forment désormais un guichet unique avec 250 conseillers internationaux dans les régions et 750 à l'étranger. Un dispositif déployé en pleine crise du Covid et renforcé avec le plan Osez l'export, adopté en 2023.
Les outils pullulent, des plus connus comme l'assurance prospection ou le volontariat international en entreprise (VIE) aux plus nouveaux comme le programme L'Export commence en France, pour les primo-exportateurs, ou L'Accélérateur, pour les plus confirmés, en passant par les pavillons France sur les salons internationaux, comme le CES, le grand rendez-vous de l'électronique grand public, début janvier à Las Vegas. Objectif : porter de 145.700 en 2022 à 200.000 le nombre d'entreprises françaises exportatrices à l'horizon 2030. Alors que seulement 10 % des PME sont actives à l'export, contre 20 % en Italie et 30 % en Allemagne, ce sont elles les plus visées. S'il est trop tôt pour tirer un bilan, 2023 a marqué pour la première fois depuis 2017 un recul du nombre de sociétés exportant, à 143.900 opérateurs, selon le dernier pointage des douanes.
Contourner les droits de douane
Mais les promoteurs de la Team France Export voient aussi des signaux positifs. Par exemple, le nombre de postes de VIE, qui a franchi un nouveau record à 11.500 en 2024, selon Business France. Ou encore la hausse des certificats d'origine, indispensables pour faire du commerce en dehors de l'Union européenne et délivrés par les Chambres de commerce. Reste à savoir si cette tendance va se poursuivre alors que le protectionnisme risque de s'accroître tant aux Etats-Unis, avec le retour au pouvoir de Donald Trump, qu'en Chine.
« Tout l'enjeu pour les entreprises en 2025 sera d'aller chercher de l'exportation dans des zones en croissance, au moment où il va être plus compliqué d'exporter là-bas », explique Antoine Moittié, associé et leader marché Entrepreneurs France chez EY France. Selon lui, de plus en plus d'acteurs envisagent ainsi de s'implanter aux Etats-Unis pour continuer à y vendre leurs produits tout en évitant les droits de douane et en bénéficiant de coûts de l'énergie faibles et de subventions généreuses.