Il y a les rares qui s'en sortent avec quelques égratignures, et puis il y a ceux, plus nombreux, qui finissent avec de grandes balafres et un visage tout couturé. Si le gouvernement avait promis que l'effort serait collectif pour trouver les 10 milliards d'euros d'économies nécessaires pour boucler le budget 2024, les décrets parus jeudi montrent toutefois que certains ministères paient un plus lourd tribut que d'autres.

En présentant cette cure d'amaigrissement dimanche soir, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, avait voulu distinguer deux types de baisses de crédits, chacune pesant pour 5 milliards d'euros : celles résultant de coupes dans des politiques publiques (l'aide publique au développement, MaPrimeRénov' ou le compte personnel formation (CPF) par exemple) et celles relevant d'une réduction des dépenses de fonctionnement.

Ce cocktail fait une principale victime, le ministère de l'Ecologie, qui voit ses crédits fondre de 2,2 milliards. L'exécutif a beau répéter que tous les crédits alloués à la transition climatique enregistrent toujours une hausse de 5 milliards après cette mesure, il n'en reste pas moins que la cure d'amaigrissement pour ce ministère est importante (plus de 10 % de son budget total).Une partie importante découle de MaPrimeRénov' (environ 1 milliard, qui pèse aussi en partie sur le budget Cohésion des territoires), notamment du fait d'économies de constatation (les pouvoirs publics n'étaient pas en mesure de dépenser tous les crédits votés, en raison de la complexité du dispositif).Sur le podium, on trouve également le ministère du Travail (1,1 milliard) et celui de la Recherche et de l'Enseignement supérieur (900 millions). Pour le premier, il ne s'agit pas d'une surprise, puisque Bercy avait annoncé vouloir tailler dans certains dispositifs (CPF, subventions aux centres d'apprentissage, coupes dans la formation des chômeurs). Charge à Catherine Vautrin de trouver 500 millions supplémentaires. Les emplois aidés devraient être concernés, notamment le contrat d'engagement jeune.Pour le second, ce n'était pas attendu, d'autant que le ministère de l'Enseignement supérieur bénéficie d'une loi de programmation censée lui garantir une augmentation régulière de ses crédits. « Cela ne remet pas en cause les engagements du chef de l'Etat puisqu'une partie de ces coupes ne relève pas du périmètre de cette loi de programmation. L'essentiel des annulations a en outre été pris sur des crédits qui faisaient partie des réserves de précaution », explique-t-on à Bercy.

Plusieurs autres ministères doivent aussi faire la grimace. Notamment l'Aide publique au développement (742 millions), qui perd 13 % de son budget d'un coup. L'Education nationale apporte aussi son écot, avec près de 700 millions d'économies portées notamment par ses dépenses salariales. « Il n'y a pas de suppressions de postes et les concours déjà ouverts se tiendront comme prévu. La promesse de 2.300 emplois pour les groupes de niveau sera concrétisée », assure-t-on à Bercy, signalant des économies venant de sous-consommation de crédits de l'an passé. Quelques ministères s'en tirent au contraire à très bon compte. C'est le cas de la Défense (seulement 105 millions) ou de la mission Sécurités (230 millions).

Reflux des taux d'intérêt

Pourquoi de telles différences de traitements ? « Nous avons tenu compte de priorités politiques. A cela s'ajoutent des considérations techniques : nous avons ciblé les dépenses pilotables plus facilement - ce n'est pas le cas des ministères sociaux - ou qui avaient fortement augmenté ces dernières années et qu'on peut donc ralentir », explique-t-on à Bercy.Dans son souci d'économies, le gouvernement a reçu un coup de pouce de la providence. Depuis la fin de l'automne, les taux d'intérêt à dix ans sur la dette ont entamé un reflux : ils naviguent depuis lors entre 2,7 % et 2,8 % quand Bercy tablait sur 3,4 % fin 2023 et 3,6 % fin 2024. Cela permet de constater d'ores et déjà 800 millions d'économies sur la charge de la dette. Ce poste budgétaire pourrait encore être revu à la baisse au printemps, lors de la présentation du programme de stabilité, si la tendance se confirme.