Le Covid s'éloigne…et l'heure de rembourser les prêts accordés au moment de la pandémie s'approche. Au moment du confinement, les banques avaient massivement distribué les prêts garantis par l'Etat (PGE), destinés à aider les entreprises à enjamber sans dommage cette période difficile.

Quatre ans plus tard, « 7,5 % des entreprises, parmi celles ayant contracté un PGE sont considérées 'à risque' pour le remboursement de leur(s) PGE », estime le Conseil d'analyse économique (CAE) dans une note. Cette étude estime que le taux de perte pourrait s'élever in fine à 4 % des prêts pour les TPE et les PME concernées, un ratio cohérent avec les estimations des banques ces dernières années.Pour parvenir à cette estimation, les auteurs ont considéré, pour que le remboursement du prêt ne pose pas de difficulté, qu'il ne doit pas excéder 5 % du chiffre annuel de l'entreprise. Cela en tenant compte de la situation de trésorerie de l'entité et de sa capacité à générer du cash par son activité.Le calcul du CAE porte sur les prêts contractés jusqu'en juin 2022 (le dispositif a existé jusqu'à la fin 2023), une période qui concentre l'essentiel des prêts souscrits, sur base de données fournies par Crédit Mutuel Alliance Fédérale.

Risques de défaillance

Les estimations du CAE se rapprochent ainsi d'autres travaux notamment de la Banque de France ou du Trésor. Il ne s'agit pas là d'une querelle de spécialistes mais bien d'un enjeu de politique publique, souligne le CAE. Evaluer correctement le taux de casse final du PGE affecte tout d'abord le budget que l'Etat consacre chaque année à la garantie de ses prêts, dont les pertes sont prises en charge à 90 %, en échange d'une commission versée par les banques.Il y a aussi « un enjeu économique au vu des risques de défaillances au terme des échéances de paiement du PGE », notent les experts. Des risques de faillites qui poseraient sur la table un nouveau débat pour l'Etat comme pour le secteur bancaire : « l'éventualité d'options de rééchelonnements de prêts à la seule condition que les entreprises soient viables », suggère la note du CAE, un organisme qui est rattaché à Matignon et dont les propositions peuvent inspirer le gouvernement. La question est d'autant plus prégnante qu'à fin septembre, le nombre de défaillances cumulé sur douze mois atteint 63.741, en hausse de 23,1 % sur un an, selon des données publiées vendredi par la Banque de France.

Le nombre de faillites retourne à la normale après la parenthèse du Covid (marquée par un effondrement du nombre de défaillances), mais « cette progression s'inscrit [aussi] dans un contexte de fort dynamisme de création d'entreprises à la suite de la crise sanitaire », nuance la Banque de France.

« Une situation nettement dégradée »

Dans le détail, plus le temps passe, plus la situation paraît délicate pour les entreprises qui n'ont pas encore remboursé leur prêt : c'est ce que constate le CAE en comparant la situation financière des TPE et PME ayant contracté un PGE, en fonction du degré de remboursement du prêt. En 2020, les situations sont assez homogènes : la santé d'une PME en cours de remboursement, et celle qui a déjà clôturé son PGE sont assez proches. Quatre ans plus tard, tout a changé : on observe de vraies différences.

« Au deuxième trimestre 2024 […], les TPE et PME ayant amorti moins de 50 % de leur PGE connaissent une situation nettement dégradée [par comparaison à 2020] », soulignent les auteurs de l'étude. Si elles devaient rembourser toutes leurs dettes « dès demain », elles devraient « se priver de toutes leurs liquidités ». Une situation bien sûr très théorique puisqu'il reste deux ans, jusqu'en 2026, pour rembourser le PGE, et que la capacité d'une entreprise à générer des liquidités peut s'améliorer.

Autre facteur à prendre en compte : le secteur d'activité de l'emprunteur, puisqu'il existe, là aussi, de fortes différences. « Quelques secteurs se distinguent par un stock de PGE à amortir un peu plus important », souligne la CAE. C'est le cas des arts et spectacles (40 % du stock de PGE restait encore à rembourser en juin dernier), de l'immobilier ou encore de l'hôtellerie-restauration.