"Je voudrais quand même m'inscrire en faux, de manière très catégorique, par rapport au prétendu laxisme des juges", a ajouté l'un des deux plus hauts magistrats de France, sur France Inter. "Les juges font leur travail... il y a eu des sanctions, des sanctions individualisées", a-t-il souligné.

"Il faut laisser les juges faire leur travail dans la sérénité", a-t-il insisté.

Alors que la grande fête après la victoire du PSG face à l'Inter Milan samedi à Munich a été assombrie par de nombreux incidents et dégradations à Paris et en régions, le gouvernement a défendu mardi l'instauration dans la loi de "peines minimales" pour répondre à "l'exaspération" des Français. 

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin a ouvert le bal mardi matin, au lendemain des premières condamnations à Paris, estimant qu'elles n'étaient "plus à la hauteur", et a proposé de "faire évoluer radicalement la loi" en supprimant notamment les aménagements de peine obligatoires et le sursis.

Le Premier ministre François Bayrou lui a aussitôt emboîté le pas en soutenant la proposition d'une peine minimale devant les députés, lors de la séance de questions au gouvernement.  

"Les juges comprennent et entendent ce besoin de fermeté. Et en l'espèce, les peines qui ont été prononcées ne sont pas des peines légères", a dit Rémy Heitz. 

Quatre individus ont été condamnées lundi soir à des peines de deux à huit mois d'emprisonnement avec sursis, assorties de 500 euros d'amende, selon le parquet de Paris. Mardi, au moins huit personnes ont été condamnées à des peines de prison, allant de cinq mois avec sursis à 15 mois ferme avec mandat de dépôt.  

- Des "injonctions contradictoires"-

"La difficulté dans ce type d'affaires (...) c'est qu'il y a un décalage très fort entre les images de ces violences vues à la télévision et parfois la réalité des faits que l'on reproche", a expliqué le plus haut magistrat du parquet.  

"Ce qu'on juge, c'est une personne, un homme ou une femme qui se trouve dans le box et à qui on impute un fait ou des faits précis, parfois d'ailleurs avec des difficultés de preuves, parce que les enquêtes sont conduites dans des délais très courts et parfois les preuves sont relativement légères", a-t-il ajouté.

Rémy Heitz a défendu des juges confrontés selon lui à "des injonctions contradictoires": "D'un côté, on leur demande de plus en plus de fermeté", et de l'autre "on leur dit +Attention, les prisons sont pleines. Ne mettez pas l'administration pénitentiaire dans l'incapacité d'exécuter les peines+".  

Le magistrat a également rappelé que "la justice n'a jamais été aussi sévère qu'aujourd'hui", avec plus de 83.000 détenus dans les prisons françaises et un taux d'occupation de près de 200% dans les maisons d'arrêt franciliennes notamment.  

Par ailleurs, Rémy Heitz a insisté sur le fait que "la majorité des personnes condamnées à des peines d'emprisonnement avec sursis" -une peine "importante" selon lui- "ne récidivent pas", ce qui en fait une sanction "utile dans quand même beaucoup de situations". 

"Si l'on supprime aujourd'hui le sursis, il faut pouvoir le remplacer", a-t-il également rappelé. Or "si on le remplace par des peines d'emprisonnement, là on serait dans une situation (...) totalement impossible."  

"Il faut que nous puissions maintenir ce principe d'individualisation et de personnalisation des peines", a plaidé le premier magistrat du parquet, "ce qui permet au quotidien d'apporter une réponse adaptée à chaque faits de délinquance commis". 

"La fin du sursis, ça voudrait dire renvoyer aujourd'hui encore des milliers et des milliers de détenus derrière les barreaux", a de son côté fustigé la contrôleure générale des lieux de privation de liberté Dominique Simonnot sur Public Sénat jeudi. "La situation est critique. L'administration pénitentiaire redoute des incidents très graves", a-t-elle alerté.