Figure singulière et incontournable de la musique française, Orelsan savait son retour scruté: "Civilisation" avait été l'album le plus vendu en 2021 et 2022, avec des titres phares comme "L'odeur de l'essence".
Pourtant, l'artiste lauréat de 12 Victoires de la musique a attendu le dernier moment pour annoncer la parution de ce cinquième opus, miroir de son long-métrage réalisé par David Tomaszewski, sorti le 29 octobre. Dans un univers fantastique, Aurélien Cotentin, vrai nom de l'artiste de 43 ans, tient le rôle d'une star face à ses peurs.
Plusieurs des 17 titres de cet album ponctuent le film, comme "Le Pacte", incipit sans concession où le rappeur normand raconte le verso de la célébrité - "Les photos dégueulasses à ton insu" - en répétant qu'après tout, "tu l'as voulu, tu l'as eu".
Les plus connaisseurs décèleront des similitudes avec des morceaux antérieurs de l'interprète de "La Quête" et "Basique".
Ainsi, Internet est croqué dans un interlude où il débite une farandole de situations et d'images - "Un chimpanzé court après un serpent" - dans lesquelles tout internaute s'est déjà laissé happer, pour mieux en "montrer l'absurdité".
"Ça me faisait golri ("rigoler", NDLR) d'écrire juste des trucs d'Internet, vraiment essayer de représenter ce qui se passe, de faire de l'anti-punchline", a-t-il confié lors d'une session d'écoute de l'album avec 200 fans, organisée mardi par Deezer à Paris.
En grande partie réalisé par son producteur historique Skread, l'album compte cinq duos dont Yamê - qui incarne une voix intérieure démoniaque -, le rappeur SDM et Thomas Bangalter, moitié du légendaire groupe électro Daft Punk séparé depuis 2021.
"Il est complètement inspiré de génériques de manga", a expliqué Orelsan, à propos de ce dernier morceau ("Yoroï", comme le film) avec envolées de guitare et batterie galopante.
La culture asiatique n'est jamais bien loin chez le rappeur, qui s'offre aussi une collaboration avec la chanteuse japonaise Lilas, du populaire duo Yoasobi, et une autre résolument K-Pop avec le groupe féminin sud-coréen Fifty Fifty.
- "Peur d'être père" -
Orelsan ne s'épargne pas dans ses textes toujours incisifs, chacun porté par une thématique intime liée à son histoire.
C'est le cas de "Sama", un personnage de méchant "formé par le burn-out, les critiques" comme "une espèce de caricature de leader populiste où tu dis que des trucs un peu clichés mais en même temps qui sont jouissifs à entendre", décrypte-t-il pendant la session d'écoute de la plateforme de streaming.
Au cœur de ses appréhensions : la responsabilité de devenir père. L'album a été conçu en même temps que son fils, désormais âgé de deux ans.
"Il arrive bientôt, j'serai jamais prêt / J'fais la liste des erreurs que j'pourrais faire / J'ai purement et simplement peur d'être père", s'inquiète-t-il dans "Dans quelques mois".
Orelsan s'inscrit également à rebours des clichés sexistes dans "Boss", où il pousse la caricature jusqu'à affirmer que, dans son couple, c'est sa compagne "le mâle alpha". "C'est quelque chose que beaucoup de gens n'osent pas s'avouer", a lancé en riant cet artiste perfectionniste, qui a réalisé huit versions de ce morceau.
Parmi les fans présents mardi soir et interrogés par l'AFP, tous louent un rappeur "authentique" avec lequel ils ont "grandi". "J'aime le personnage au-delà de la musique, il n'a pas changé: il reste vraiment cru s'il faut et nonchalant en même temps...choqué, mais tranquillement!", résume Maëlys Nkongue, 26 ans, venue découvrir le disque en exclusivité.
Avec son équipe, Orelsan planche déjà sur sa prochaine tournée: elle doit démarrer dans sa ville natale de Caen en janvier, avant de s'achever par dix concerts d'affilée à l'Accor Arena, en décembre 2026.