On a connu entrée en matière plus facile. Si Axelle Lemaire arrive auréolée d'une bonne réputation (lire ci-contre), le mouvement de soutien lancé ces jours-ci sur Twitter pour que Fleur Pellerin reste à son poste (avec le hashtag #keepfleur) amènera forcément à comparer les styles. Sans compter que, d'un ministère délégué, le Numérique passe à un secrétariat d'Etat sous l'égide d'Arnaud Montebourg. Et les dossiers chauds qui l'attendent sont nombreux.

Consolider les télécoms

L'acquisition en cours de SFR par Numericable change la donne des télécoms en France. Le gouvernement a demandé à l'acquéreur des gages en matière d'emploi - ni suppressions de postes ni départs volontaires -, mais aussi d'investissement : ne pas revenir sur les plans de SFR pour le déploiement de la fibre optique jusqu'au logement. La vigilance s'impose. Par ailleurs, Arnaud Montebourg a réaffirmé devant les députés mercredi soir sa « politique de reconsolidation du secteur, du retour à trois » opérateurs mobiles. Le mariage SFR-Bouygues ayant été une occasion manquée, tout le monde parle à présent d'un rapprochement entre Bouygues et Free. « On peut se demander quel sera, pour l'un et pour l'autre, leur avenir s'ils ne fusionnent pas », a fait remarquer le ministre. La grande crainte de l'exécutif est que Bouygues Telecom, en difficulté, soit contraint de supprimer à nouveau des emplois. L'actionnaire étatique est également préoccupé par la situation d'Orange, qui voit ses revenus décliner et contribue d'autant moins au budget de l'Etat que le dividende vient d'être à nouveau abaissé. Arnaud Montebourg a prévenu que le gouvernement encouragerait la consolidation en France, mais aussi en Europe. Le PDG d'Orange, Stéphane Richard, s'est montré disposé à travailler sur une fusion avec Deutsche Telekom. Si l'allemand cède sa filiale américaine, réduisant sa dette et dégageant du cash, l'hypothèse pourrait devenir un vrai projet.

Données personnelles

L'affaire Snowden n'en finit plus de propager ses ondes de choc : un consensus semble se dégager pour adopter de nouvelles règles. Et la Cour de justice européenne pourrait bien avoir accéléré le mouvement. Cette semaine, elle a invalidé la directive de 2006 qui autorisait la conservation des données des opérateurs téléphoniques et Internet entre 6 et 24 mois. Une nouvelle directive est en cours d'élaboration à Bruxelles et sera ensuite transposée dans chaque Etat membre. Au niveau national, Fleur Pellerin s'était, elle, prononcée en faveur d'un renforcement des pouvoirs de la CNIL, qui ne peut pour l'instant infliger que des amendes de 150.000 euros. Le texte préparant le projet de loi numérique Pellerin, qui devait être déposé en septembre au Parlement, évoquait un volet pénal.

Financer les start-up

C'est le chantier principal pour la compétitivité du secteur. Les start-up françaises souffrent d'un manque de financement qui les empêche de rivaliser avec leurs concurrents américains, voire asiatiques. Et l'écart continue de se creuser. Les acteurs du numérique appellent à déplacer l'épargne des Français vers l'économie réelle, notamment les entreprises innovantes. Sous le gouvernement Ayrault, l'accent a été mis sur le rôle de la BPI, désormais incontournable dans l'écosystème français, et l'assouplissement du cadre législatif pour favoriser le financement participatif, un travail qu'Axelle Lemaire devra achever.

transition numérique

C'était l'une des priorités de la feuille de route numérique fixée par Jean-Marc Ayrault, mais beaucoup de chantiers restent en suspens dans la modernisation de l'administration et de l'outil productif. « Que l'équipe de Manuel Valls soit resserrée va peut-être aider, note un observateur. Mais on n'a pas pris conscience des enjeux et du fait que le numérique peut permettre à l'Etat de réaliser des économies et d'améliorer la productivité des entreprises. »

exception culturelle

Les attentes de la filière culturelle vis-à-vis d'Axelle Lemaire sont grandes. Alors que le lancement du service américain de vidéo à la demande Netflix est programmé en France pour la rentrée, via une installation au Luxembourg, les filières cinéma et audiovisuel craignent pour la pérennité du système français de financement de la production, qui implique un préfinancement par les diffuseurs. Fleur Pellerin s'était saisie du dossier en rencontrant Reed Hastings, le PDG de Netflix, en janvier à Las Vegas, à l'occasion du CES. Celle qui lui succède devra, en étroite collaboration avec la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, rassurer le monde de la création sans brider l'essor du numérique dans les nouveaux usages de consommation. Entre la musique, qui a plus qu'entamé sa mue, le cinéma, l'audiovisuel et l'édition, les chantiers ne manquent pas.