L'avenir d'une partie du parc nucléaire français est en train de se jouer. Le gouvernement, qui finalise son projet de loi sur la transition énergétique, doit dans ce cadre définir un scénario économique sur lequel celle-ci se basera. Et les hypothèses retenues ne seront pas neutres. Jusqu'à présent, EDF défendait un scénario dans lequel la hausse de la consommation d'électricité amènerait mécaniquement la part du nucléaire à 50 % de la production électrique en 2025, justifiant la prolongation de la durée d'exploitation du parc de 40 à 60 ans. Un scénario aujourd'hui ébranlé.Selon nos informations, le gouvernement table sur un scénario dans lequel la consommation d'électricité augmenterait de 0,4 % par an en moyenne, ces dix ou quinze prochaines années. Une évolution modeste, qui tient compte de la croissance économique, des effets démographiques, des économies d'énergie et des transferts d'usage. Fin mars, lors d'une audition à l'Assemblée, la Direction générale de l'énergie et du climat indiquait travailler sur un scénario d'évolution de la demande « relativement modérée ». Le gestionnaire du réseau d'électricité, RTE, publiera cet été des scénarios d'évolution de la demande moins dynamique encore qu'il y a deux ans (entre - 0,4 % et + 0,8 % par an prévu à ce stade à l'horizon 2030).

Hiatus

Si le gouvernement table sur des exportations relativement dynamiques, ce qui permettra de soutenir la production, la modeste croissance de la demande intérieure prévue induit un hiatus : ces niveaux de croissance ne permettent pas de respecter l'objectif de baisse de la part du nucléaire à 50 % (contre 73,3 % l'an dernier) dans la production électrique... à moins de réduire la capacité nucléaire. « Dans l'hypothèse d'une part du nucléaire de 50 % en 2025, les besoins seraient de 36 à 43 gigawatts [contre 63 GW aujourd'hui, NDLR], ce qui correspond, indépendamment des problèmes de sûreté, à un non-besoin d'une vingtaine de réacteurs », avait déjà indiqué, fin mars à l'Assemblée, l'administration. Les 58 tranches nucléaires ayant été construites dans un délai relativement court, elle préconisait d'ailleurs un étalement des mises à l'arrêt.Si EDF estime qu'il faut aller au-delà de 2025 pour organiser la parité du nucléaire avec les énergies alternatives - ce que n'envisage pas aujourd'hui l'exécutif -, le gouvernement et l'électricien assurent échanger de manière « pragmatique ». « Il n'y a pas de dogme des soixante ans [de durée de vie des réacteurs nucléaires, NDLR]. Nous avons le temps de nous adapter », assure-t-on dans l'entourage du groupe. La ministre de l'Energie, Ségolène Royal, veille, de son côté, à ne pas stigmatiser le nucléaire. « Je n'oppose pas les énergies les unes aux autres », a-t-elle encore rappelé hiermatin, à l'occasion d'une visite sur un site ERDF avec Henri Proglio.Pour EDF, qui assure que la prolongation des réacteurs reste le moyen de production le plus économe, étaler la fin d'exploitation de ses réacteurs pourrait aussi avoir des avantages : le taux de disponibilité de ses centrales s'est affaibli et le renouvellement des compétences engendre des problèmes d'organisation de la maintenance.Le calendrier est désormais serré : le projet de loi doit être présenté entre le 10 et le 15 juin au Conseil économique, social et environnemental, et sera en parallèle soumis au Conseil d'Etat, avant une adoption en Conseil des ministres mi-juillet.