Le 25 juin, au lendemain du cessez-le-feu imposé par Donald Trump après 12 jours de guerre entre l'Iran et Israël, le Parlement iranien avait voté massivement un projet de loi suspendant la coopération avec cette agence de l'ONU chargée de la sûreté nucléaire, contre laquelle Téhéran a multiplié les accusations.

Le texte est entré en vigueur mercredi après avoir été promulgué par le président iranien, Massoud Pezeshkian.

"Nous avons vu la décision officielle, qui est évidemment inquiétante", a réagi le porte-parole de l'ONU, Stéphane Dujarric.

Le département d'Etat l'a qualifiée d'"inacceptable", regrettant que "l'Iran ait choisi de suspendre sa coopération avec l'AIEA à un moment où il a la possibilité de faire marche arrière et de choisir la voie de la paix et de la prospérité". 

La décision de l'Iran a provoqué la colère d'Israël, son ennemi depuis la Révolution islamique de 1979, dont le ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, a appelé le monde à "utiliser tous les moyens à sa disposition pour mettre fin aux ambitions nucléaires iraniennes".

Il a appelé l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni, les trois pays européens signataires avec la Chine et les Etats-Unis de l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien, à "rétablir toutes les sanctions contre l'Iran", "maintenant". 

Cet accord était devenu caduc après le retrait unilatéral des Etats-Unis en 2018 et Téhéran avait alors commencé à s'affranchir de ses obligations. 

Berlin a qualifié de "signal désastreux" la décision iranienne.

Affirmant que l'Iran était près de fabriquer l'arme nucléaire, Israël avait lancé le 13 juin une attaque massive contre ce pays, frappant des centaines de sites nucléaires et militaires. 

L'Iran, qui dément vouloir se doter de la bombe atomique mais défend son droit à enrichir de l'uranium à des fins civiles, a riposté avec des tirs de missiles et de drones sur Israël.

- "Une obligation juridique" -

Les attaques israéliennes ont fait au moins 935 morts en Iran, selon un bilan officiel. En Israël, 28 personnes ont été tuées par les tirs iraniens, selon les autorités.

La loi promulguée mercredi vise à "assurer un plein soutien aux droits" de l'Iran, et "en particulier à l'enrichissement de l'uranium" en vertu du Traité de non prolifération (TNP), selon les médias iraniens.

La question de l'enrichissement est au coeur des désaccords entre l'Iran et les Etats-Unis, qui avaient engagé en avril des pourparlers indirects, interrompus par la guerre. 

L'Iran a adhéré en 1970 au TNP, qui garantit l'usage pacifique de l'énergie atomique, mais a commencé à préparer le terrain d'un éventuel retrait durant l'offensive israélienne qui "a porté un coup irréparable" à ce pacte de non-prolifération, selon l'ambassadeur iranien à Vienne, Reza Najafi.

Le directeur général de l'AIEA, Rafael Grossi, avait souligné le 26 juin que la coopération de l'Iran avec cette agence était "une obligation juridique", pour autant que l'Iran reste un pays signataire" du TNP.

Le texte de loi ne précise pas quelles mesures concrètes pourrait entraîner la suspension de la coopération avec l'AIEA, dont les inspecteurs n'ont pas eu accès aux stocks d'uranium iraniens depuis le 10 juin.

L'ambassadeur iranien à l'ONU, Amir Saeid Iravani, avait déclaré dimanche sur la chaîne américaine CBS que des inspecteurs se trouvaient "en sécurité" en Iran mais que "leurs activités ont été suspendues".

- "Quelques mois" -

Des responsables iraniens avaient vivement dénoncé un "silence" de l'AIEA face aux bombardements israéliens et américains sur les sites nucléaires iraniens. 

Téhéran avait aussi critiqué l'agence pour une résolution adoptée le 12 juin, à la veille des premières frappes israéliennes, accusant l'Iran de non respect de ses obligations dans le domaine nucléaire.

L'Iran a en outre rejeté une demande de Rafael Grossi de visiter ses installations nucléaires bombardées, afin de pouvoir établir ce qu'il est advenu de son stock d'uranium enrichi à un niveau proche du seuil de conception d'une bombe atomique.

M. Grossi a estimé que l'Iran disposait des capacités techniques pour recommencer à enrichir de l'uranium d'ici "quelques mois".

Le 27 juin, le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghchi, avait dénoncé les "intentions malveillantes" du chef de l'AIEA. 

En soutien à l'offensive israélienne, le président américain, Donald Trump, avait envoyé dans la nuit du 21 au 22 juin des bombardiers frapper le site souterrain d'enrichissement d'uranium de Fordo, au sud de Téhéran, et les installations nucléaires à Ispahan et Natanz, dans le centre de l'Iran.

L'étendue des dommages subis par ces installations reste incertaine.

Après que Donald Trump a affirmé fin juin que le programme nucléaire iranien avait été "anéanti" et retardé pour des "décennies", la presse américaine, citant un rapport confidentiel d'une agence de Renseignement américain avait évalué ce délai à seulement quelques mois.

Le Pentagone l'a estimé mercredi à environ "deux ans", invoquant une évaluation "des services de renseignement du ministère" de la Défense