Paris, Berlin et Londres (E3) associés à Washington ont formellement soumis le texte en vue d'un vote jeudi par le Conseil des gouverneurs, qui compte 35 Etats membres, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP.
L'Iran "réagira en conséquence et de manière appropriée", a averti le chef de la diplomatie Abbas Araghchi, lors d'un appel téléphonique avec le directeur général de l'AIEA Rafael Grossi, rapporté par l'agence officielle Irna.
"Cette initiative (...) ne fera que compliquer le problème", avait-il déploré plus tôt, estimant qu'elle nuisait à "l'atmosphère positive" des échanges entre Téhéran et l'instance onusienne.
La présentation de cette résolution, à portée symbolique à ce stade, intervient juste après une visite de M. Grossi en Iran.
Il s'est rendu sur deux importants sites nucléaires en Iran et a rencontré la semaine dernière le président iranien Massoud Pezeshkian, qui affirme vouloir lever "doutes et ambiguïtés" sur son programme nucléaire controversé.
- "Pas dans la bonne direction" -
A cette occasion, Téhéran a accepté d'entamer des préparatifs pour stopper l'expansion de son stock d'uranium hautement enrichi.
Si M. Grossi a reconnu qu'il restait "beaucoup à faire" pour améliorer la coopération après des années de tensions, il a qualifié "d'important le fait que pour la première fois" depuis 2021, "l'Iran prenne une direction différente (...) et dise +OK, on arrête+".
"C'est un pas concret dans la bonne direction", a-t-il insisté. "Nous avons là un fait qui a été vérifié par nos inspecteurs".
Un gage de bonne volonté toutefois accueilli avec "scepticisme" par Washington et ses alliés de l'E3, a confié un haut diplomate. Las d'attendre des mesures concrètes, ils ont donc décidé d'aller de l'avant avec la résolution, quelques mois à peine après une démarche similaire en juin.
Le texte final, consulté par l'AFP, "réaffirme qu'il est essentiel et urgent" que le pays fournisse des "réponses techniques crédibles" concernant la présence de traces d'uranium inexpliquées sur deux sites non déclarés près de Téhéran, Turquzabad et Varamin.
Et réclame un "rapport complet" à l'AIEA "d'ici au Conseil des gouverneurs de mars 2025 ou au plus tard au printemps".
Selon le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, qui s'est entretenu avec son homologue iranien, "l'escalade nucléaire" de l'Iran est "très préoccupante et emporte des risques majeurs de prolifération".
"La France, avec ses partenaires allemand et britannique, poursuit ses efforts pour un retour à des négociations", ajoute le ministère dans un communiqué.
- Seuil proche de la bombe -
En 2015, ces trois pays ainsi que les Etats-Unis, la Chine et la Russie avaient conclu avec l'Iran un accord sur le nucléaire à Vienne.
Ce pacte dit JCPOA prévoyait un allègement des sanctions internationales contre Téhéran, en échange de garanties que l'Iran ne cherche pas à acquérir l'arme atomique.
Téhéran nie farouchement avoir de telles ambitions sur le plan militaire et défend un droit au nucléaire à des fins civiles, notamment pour l'énergie.
En 2018, Donald Trump, alors président, a retiré unilatéralement les Etats-Unis de l'accord - auquel se conformait Téhéran, selon l'AIEA - et rétabli de lourdes sanctions.
En représailles, le pays a considérablement augmenté ses réserves de matières enrichies et porté le seuil à 60%, proche des 90% nécessaires pour fabriquer une arme atomique. Le JCPOA, désormais une coquille vide que des négociations ont échoué à ranimer en 2022, plafonnait ce taux à 3,67%.
D'après l'AIEA, l'Iran est le seul Etat non doté d'armes nucléaires à enrichir de l'uranium à ce niveau élevé, tout en continuant à accumuler d'importants stocks.
Ses réserves de matière enrichie à 60% se situent désormais à 182,3 kg. Soit suffisamment pour produire plusieurs bombes en vertu de la définition de l'instance onusienne.
En 1970, l'Iran a ratifié le Traité de non-prolifération (TNP), qui fait obligation aux Etats signataires de déclarer et placer leurs matières nucléaires sous le contrôle de l'AIEA.