Inquiet de la poussée du Nouveau Front populaire, le patronat craignait de voir l'orientation pro business de l'exécutif remise en cause. Après la nomination de Michel Barnier, la composition du nouveau gouvernement a fini de les rassurer sur ce point, tout du moins à court terme. « Toutes les conditions sont désormais réunies pour redémarrer. La France en a besoin », a twitté le président du Medef, Patrick Martin, aussitôt la liste connue.
« Dans un contexte politique compliqué, le nouveau gouvernement va (enfin) pouvoir se mettre au travail », déclarait dimanche le président de la CPME, François Asselin, aux « Echos ».Mais qui dit soulagement ne dit pas forcément enthousiasme. Du côté des entreprises, on a en effet bien conscience qu'une page s'est tout de même tournée avec la dissolution… Et surtout le creusement du déficit budgétaire, qui devrait dépasser les 6 % cette année. « Nous sommes conscients que l'heure n'est pas à des dépenses supplémentaires, mais il ne faut pas donner un coup de rabot n'importe comment », explique le président de l'U2P, Michel Picon, soulignant la « fragilité des petites entreprises ». Du côté des syndicats, la physionomie du nouveau gouvernement n'est pas faite pour rassurer, mais seule la CGT le revendique. « I l n'y a pas de changement de ligne, nous continuons donc à demander un changement de politique », affirme Denis Gravouil, membre du bureau confédéral de la centrale. « On ne commente jamais la composition des gouvernements, qui relève du champ politique », précise Yvan Ricordeau, le numéro deux de la CFDT. « Quel que soit l'interlocuteur, j'irai porter les revendications des salariés », dit de son côté le secrétaire général de Force ouvrière, Frédéric Souillot.Signal positif
Si la nomination de Guillaume Kasbarian à la Fonction publique inquiète franchement, celle d'Astrid Panosyan-Bouvet au ministère du Travail est un signal considéré comme positif par les syndicats. Aides aux entreprises, assurance-chômage, dialogue social ou place du travail… Ses prises de position comme députée sont autant de bons points pour eux. Mais si on la connaît bien à la CFDT, ce n'est pas le cas dans les autres syndicats. « Elle semble très cédétiste, mais on va voir ce qu'elle va faire », note un syndicaliste. Et tous attendent de voir quelles seront ses marges de manoeuvre.Si Michel Barnier a loué « le temps passé à écouter, à dialoguer [qui] n'est jamais du temps perdu », il n'a donné que peu d'indications sur ses projets sociaux dimanche soir, sur France 2. Rien, par exemple, sur l'avenir de l'acte II de la réforme du marché du travail promis par le précédent gouvernement. Rien non plus sur la dernière mouture de la réforme de l'assurance-chômage, suspendue in fine par Gabriel Attal, sur laquelle les syndicats attendent un renoncement clair, sachant qu'un abandon ne pourra que compliquer l'équation des finances publiques.
« Le flou sur tout »
Seul point sur lequel le Premier ministre s'est avancé : la réforme des retraites. Il a annoncé qu'il allait « faire confiance aux partenaires sociaux pour améliorer la loi ». Une démarche sur laquelle la CPME a assuré qu'elle « répondra positivement ». Michel Barnier n'a pas précisé s'il envisageait une négociation tripartite ou s'il s'agissait de donner les clés au patronat et aux syndicats, sachant qu'il paraît compliqué de sortir l'Etat totalement du jeu.
Pour l'instant, « on est dans le flou sur tout », commente un syndicaliste, qui n'est pas certain que le Premier ministre soit très bavard lors des rencontres bilatérales avec les numéros un patronaux et syndicaux qui pourraient avoir lieu avant qu'il prononce son discours de politique générale, le 1er octobre.
Ce discours est évidemment très attendu par les partenaires sociaux. Mais pas sûr que cela débloque tous les dossiers et, en tout cas, pas celui sur la retraite. Les plus ouverts des syndicats, à commencer par la CFDT, demandent aujourd'hui a minima la suspension de sa réforme. Il paraît difficile de voir les positions évoluer alors que se profilent les discussions des deux propositions de loi en préparation, celle du RN et de LFI contre la réforme et le débat sur le projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS).