Par petits groupes, appuyés par des forces mobiles, les renforts d'une soixantaine de policiers promis par le préfet du Gard, Jérôme Bonet, "pour mettre fin à cet enchaînement de violences" qui frappe le quartier depuis plusieurs jours, ont ostensiblement arpenté les cages d'escalier des immeubles et procédé à des contrôles d'identité et de véhicules.
L'objectif de ce "dispositif de sécurisation renforcé", qui va durer toute la nuit, est "bien de déstabiliser les trafiquants de stupéfiants" et d'avoir "un effet rassurant pour les honnêtes gens et les habitants (...) qui attendaient de pouvoir être plus sécurisés", a expliqué sur place Jean-Philippe Nahon, directeur interdépartemental de la police nationale du Gard.
De fait, la tension est forte dans ce quartier de Pissevin, et les habitants ne traînent plus sur la place Léonard de Vinci, théâtre d'une énième fusillade jeudi. "La peur est là", confiait à l'AFP Mohamed Ali Bedja, 63 ans, gardien d'immeuble, qui aimerait "voir passer un peu plus de voitures de police".
A côté, c'était toujours porte close lundi au centre social Les Mille Couleurs. "Nous avons décidé de protéger nos adhérents et nos salariés. Même après la mort du petit Fayed (victime collatérale de 10 ans tuée en août 2023, ndlr) je n’avais pas ressenti autant de tension", déplorait son directeur, Raouf Azzouz.
Ce climat de crainte a encore été alimenté un peu plus ce week-end par un message en boucle sur les réseaux sociaux : "On va tuer meme les ptit de 5 ans, gardé vos goss ch vous en sécurité (…) Chak personne qui croisse no homme en noir sera cribler de balles ", avertit ce texte, selon qui "clients et guetteurs risquent de mourir". Sans parler de ces vidéos fréquentes sur internet d'hommes en noir courant en plein jour dans les travées de Pissevin, armés de Kalachnikov.
"Les gens du quartier ont peur", confirmait lundi à l'AFPTV Delphine Pagès, pharmacienne à Pissevin. "La semaine dernière, des mamans avec des poussettes étaient en pleurs, elles voulaient se barricader chez elles. Une mamie en pleurs me disait qu'elle était terrorisée à l'idée de sortir de chez elle".
- Pas une "solution durable" -
"L'Etat a plié", dénonçait de son côté Nicolas Pagès, son père, regrettant que le futur commissariat promis en 2023 par Gérald Darmanin, alors ministre de l'Intérieur, n'ait toujours pas ouvert.
"Avant il y avait plusieurs centres de loisirs. On partait en camping, en sortie pique-nique, on n'avait pas le temps de traîner. Plutôt qu'un couvre-feu, il faudrait plus d'argent pour les associations du quartier", plaidait de son côté un épicier de 33 ans, préférant rester anonyme.
Entamé lundi soir, pour 15 jours renouvelables, dans les quartiers de Pissevin, Valdegour, Mas de Mingue, Vistre, Clos d'Orville et Chemin Bas, les quartiers sensibles de Nîmes, ce couvre-feu visant les mineurs de moins de 16 ans, entre 21h00 et 06h00, avait été annoncé vendredi par la municipalité, évoquant les "fusillades, règlements de comptes (et) tensions entre bandes".
Mardi, c'est le corps d'un jeune majeur de 19 ans, originaire de Seine-Saint-Denis, qui avait été retrouvé, partiellement calciné, dans un village proche. Ce meurtre, en lien avec les événements récents dans les quartiers nîmois, selon le parquet, avait été diffusé par ses auteurs sur les réseaux sociaux.
Depuis quelques années, des villes moyennes comme Nîmes, Avignon ou Béziers sont rattrapées par ce niveau de violences jusqu'alors réservé à Marseille, épicentre du narcobanditisme dans le sud de la France.
"Le couvre-feu vise à protéger les mineurs qui n'ont rien à voir avec le trafic mais aussi ceux, parfois âgés de 12 ou 13 ans, qui sont utilisés par les narcotrafiquants", expliquait à l'AFP l'adjoint au maire en charge de la sécurité, Richard Schieven.
Cet été d'autres villes, de toutes couleurs politiques, ont mis en place des mesures similaires, comme Béziers (Hérault), Triel-sur-Seine (Yvelines) ou Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).
Une mesure "utile" mais certainement "pas une solution durable contre le narcotrafic", estime le syndicat de police Unité, alors que "les jeunes délinquants tirent en toute impunité sur les gens, en plein jour", selon son secrétaire départemental adjoint, Wissem Guesmi.