- Brad Pitt et inspiration -

Au début des années 2020, le chanteur-guitariste de 45 ans à la voix androgyne est dans le dur. 

"J'écrivais mais rien qui me semblait bien ou honnête. Je commençais à penser que le puits était asséché", raconte à l'AFP Asaf Avidan, qui a fait irruption sur la scène rock en 2006.

L'exploration de soi a toujours guidé ce chanteur intraçable --né à Jérusalem, grandi en Jamaïque, installé en France-- et la composition n'a jamais été une sinécure. "C'est une thérapie mais pas agréable, de la chirurgie sans anesthésie". 

Cette panne sèche génère en lui un vertige inédit, qui lui fait se demander si l'heure de raccrocher les micros n'a pas sonné. 

Jusqu'à un concert parisien auquel assiste Brad Pitt. 

Asaf Avidan ne le connaît pas personnellement mais, en coulisses, s'épanche auprès de la star américaine sur son impasse créatrice. 

L'acteur lui propose alors une résidence dans les légendaires studios Miraval qu'il possède dans le sud de la France et qui ont accueilli Pink Floyd ou Muse.

Asaf n'y croit pas trop. "J'étais en mode : +bien sûr, Brad Pitt, je vais venir dans ta propriété et écrire un album+". 

Sauf que le chanteur reçoit une invitation le lendemain et se rend à Miraval avec ses doutes et ses guitares. 

- Hitchcock et vertiges -

Comme dans un scénario de film, la magie opère.

"J'étais coincé seul dans un endroit que je ne connaissais pas, il y avait une tempête dehors qui m'empêchait de sortir et j'ai écrit les quatre premières chansons en une semaine", raconte Asaf Avidan.

L'inspiration s'emballe et le (re)visionnage de "Vertigo", chef d'oeuvre d'Hitchcock de 1958, lui dicte des arrangements symphoniques. 

"Il y a dans le film cette orchestration répétitive qui vous fait sentir dans une spirale. J'ai su que c'était ce qu'il me fallait", raconte-t-il. "Cette musique reflétait le moment que je traversais, la dissolution de soi dans le néant".

Asaf retourne à Miraval enregistrer la partie rock de l'album et se rend à Prague pour les parties symphoniques qui parsèment les huit titres d'"Unfurl", dont l'envoûtant single "Unfurling dream".

Asaf Avidan y déconstruit les genres (pop, soul, latino) et références (de Nina Simone à Eminem) pour explorer ses tourments. "Je ne pense que ce dont nous avons tous peur est une existence qui ne soit pas pleinement vécue", résume-t-il.

- Boycott et engagement -

Ses paroles ne sont pas explicitement politiques mais Asaf Avidan dit avoir des "opinions bien arrêtées" sur la marche du monde alors que certains lui reprochent son supposé silence sur la guerre à Gaza. 

"Face à la folle tragédie qui se noue là-bas, je peux dire: arrêtez la guerre. Mais je pense pas que ce soit quelque chose de spécialement courageux ou pragmatique à dire", dit l'artiste, qui juge plus judicieux d'en appeler à la "complexité, l'empathie et la nuance". 

"Même si le Hamas cesse d'exister et qu'Israël se retire de Gaza, que se passera-t-il ? Il faudra toujours du dialogue, de l'empathie et de la dignité", estime Asaf Avidan, partisan d'une "troisième voie", selon lui, "totalement absente" des discussions.

Une chose est claire pour lui: le boycott culturel, dont il pourrait être victime même s'il ne se définit pas comme israélien, est une "des mesures les plus stupides, inefficaces et violentes qui soient". 

"La plupart des gens touchés par ces boycotts ne sont pas des fanatiques. Les fanatiques israéliens ne font pas de musique, ils plantent des drapeaux sur des monticules de terre en Cisjordanie", argumente-t-il. "Ceux qui en pâtissent sont les intellectuels et artistes qui veulent le dialogue".