Iouri Grigorovitch, qui a dirigé les ballets du Bolchoï de 1964 à 1995, sous l'URSS et un peu après son éclatement, élevant à la postérité des "générations d'artistes remarquables" selon le théâtre, s'est éteint lundi.

"Cet homme était un cadeau de Dieu", a dit à l'AFP Agnessa Baliïeva, ancienne danseuse étoile du Bolchoï de 78 ans, qui a "dansé dans presque tous les ballets" de Grigorovitch. En se rendant à l'hommage au Bolchoï, elle a confié vouloir dire au chorégraphe "un grand merci pour son talent, son génie, son âme et son humanisme".

La Russie, connue mondialement pour ses ballets, vénère cet art depuis l’époque soviétique. 

Selon un récent sondage, les dépenses des Russes pour les billets pour des représentations de ballets classiques ont augmenté de 20% en 2024.

Critiqué pour une forme d'autoritarisme, Iouri Grigorovitch a marqué l'histoire de la danse pour la place inédite accordée aux performances masculines et l'introduction de parties pour les hommes.

Vendredi, le somptueux cercueil du chorégraphe était entouré de gerbes de fleurs devant la scène du théâtre, tandis que son immense portrait en noir et blanc surplombait la salle et que résonnait la musique de ses ballets.

A l'issue de la cérémonie, suivie par plusieurs centaines de personnes, son cercueil a quitté le théâtre, ovationné pendant plusieurs minutes par ses admirateurs réunis devant le Bolchoï.

Après une crémation, les cendres du chorégraphe doivent être inhumées mardi au cimetière Novodevitchié de Moscou, près de son épouse Natalia Besmertnova, une ancienne danseuse étoile du Bolchoï décédée en 2008.

- "Une magie" -

"Merci Iouri Nikolaïevitch pour avoir créé tant de rôles que nous avons interprétés pendant beaucoup d'années avec un tel bonheur, un tel plaisir", a déclaré, lors de la cérémonie d'adieu, Nikolaï Tsiskaridzé, ancien danseur étoile du Bolchoï et recteur de l'Académie de ballet Vaganova de Saint-Pétersbourg.

"Merci pour la chaleur et la sagesse dont vous avez fait preuve envers nous pendant tout ce temps-là", a-t-il ajouté.

"C'était un grand homme, un génie, une légende", a salué pour sa part Ilia Krivov, ancien danseur de ballet, 42 ans, expliquant avoir connu personnellement le chorégraphe "qui a élevé le ballet masculin soviétique (...) à un niveau inédit".

Né en 1927 à Léningrad, l'actuelle Saint-Pétersbourg, Iouri Grigorovitch était le neveu de Georges Rosay, grand danseur du théâtre Mariinski dans l'ancienne capitale impériale russe et des Saisons russes de Serge Diaghilev.

Il a accédé à la célébrité en 1957 grâce à sa mise en scène novatrice du ballet "La Fleur de pierre", basée sur une série de contes populaires dans l'Oural. 

Directeur des ballets au Bolchoï pendant trois décennies, Iouri Grigorovicth a fait connaître au grand public des danseurs comme le fameux couple formé par Ekaterina Maximova et Vladimir Vassiliev. 

Au fil de sa carrière, il a mis en scène plusieurs classiques du ballet russe, comme "Casse-Noisette" de Tchaïkovski, "Spartacus" de Khatchatourian, "Ivan le Terrible" sur la musique de Prokofiev, ou encore "L'Âge d'or" composé par Chostakovitch.

"Grigorovitch, c'était l'âme du Bolchoï", a dit à l'AFP Svetlana Staris, journaliste et poète, saluant un "homme qui a révolutionné le ballet".

"Les hommes comme lui, on les apprécie pendant leur vie et on leur rend hommage après leur mort", a estimé pour sa part Viktor Filtchakov, 64 ans, venu dire adieu au "grand maître".

Dans ses mises en scène, il y a "une compréhension si profonde de chaque petit mouvement" que "tout devient un miracle, une magie... La magie qu'on ressent chaque fois quand on voit ses ballets", a renchéri Anastassia Egorova, étudiante de 21 ans.