La recomposition de Bercy était l'une des décisions les plus attendues du remaniement. L'exécutif a pris le risque d'innover. D'une part en reconfigurant la citadelle autour de deux grands pôles : l'Economie d'un côté, les Finances de l'autre. Une séparation inédite inspirée du modèle allemand (lire ci-contre). D'autre part, en nommant deux personnalités très différentes : Arnaud Montebourg et Michel Sapin. Le premier est promu ministre de l'Economie, du Redressement productif et du Numérique. Le second quitte, lui, le Travail pour piloter le ministère des Finances et des Comptes publics. Le ministre de l'Economie et des Finances sortant, Pierre Moscovici, abandonne, lui, le gouvernement pour un probable poste de commissaire européen. Bercy passe ainsi de sept ministres - dont quatre de plein exercice - à deux aujourd'hui. Mais des secrétaires d'Etat devraient être nommés la semaine prochaine. Une réorganisation censée simplifier le fonctionnement de ce grand ministère, qui a pâti ces deux dernières années d'un manque de coordination et de lisibilité.Par ses fonctions, c'est Michel Sapin qui représentera la France dans les discussions avec Bruxelles et ses partenaires européens, y compris pour les sujets relatifs à la régulation bancaire. Jusqu'alors, c'était Pierre Moscovici qui le faisait, et y consacrait une grande partie de son temps. En d'autres termes, « Michel Sapin sera l'équivalent de Wolfgang Schäuble » en Allemagne, indique une source à l'Elysée. Michel Sapin aura ainsi un poids très supérieur à celui de Bernard Cazeneuve, jusqu'alors ministre délégué au Budget. Il s'installera d'ailleurs dès ce matin dans le bureau du 6e étage, historiquement dévolu au ministre de l'Economie et des Finances.

Le diable dans les détails

Ce choix devrait aussi rassurer les partenaires européens, Arnaud Montebourg n'ayant pas ménagé ses piques contre Bruxelles ces derniers mois. La période est sensible : Paris doit présenter d'ici au 15 avril son programme d'assainissement des finances publiques. Un rendez-vous très attendu alors que la France a été rappelée mardi à l'ordre par la Commission après avoir manqué ses objectifs de déficit en 2013. En tant que patron de l'Economie, Arnaud Montebourg aura, lui, la haute main sur les dossiers industriels, le financement de l'économie ou la réforme des professions réglementées. Les deux ministres se partageront la tutelle de la puissante Direction générale du Trésor, ainsi que de l'Agence des participations de l'Etat (APE).Mais le diable sera dans les détails. Derrière la recomposition affichée ce mercredi matin, la répartition précise des dossiers et des administrations dans les prochains jours révélera le poids des ministres respectifs. Ces négociations autour des décrets d'attribution donneront aussi une première indication de la capacité des deux ministres à travailler ensemble. Les deux hommes se sont réunis hier en fin de journée sur ces questions. Avant d'appeler ensemble « Les Echos » pour faire part de leur bonne entente et de leur volonté d'être chacun dans leur rôle « sans renoncement ».

Premier couac

Le premier couac n'aura toutefois pas tardé, révélant des batailles de périmètre allant même au-delà de Bercy. Pendant toute l'après-midi, les services de Laurent Fabius (dont le portefeuille aux Affaires étrangères a été élargi au Développement international) et ceux d'Arnaud Montebourg ont revendiqué le portefeuille du Commerce extérieur. Selon l'agence Reuters, l'ambiguïté pourrait être levée par l'arrivée prochaine de Fleur Pellerin comme secrétaire d'Etat au Commerce extérieur et au Tourisme, rattachée... au Quai d'Orsay.Les deux hommes forts de Bercy devront aussi accorder leur ligne. Arnaud Montebourg endossera-t-il le discours de rigueur que devra porter Michel Sapin aux Finances ? Interrogé il y a quelques jours sur France Inter, il indiquait avoir écrit au président François Hollande entre les deux tours pour demander « la réorientation des choix politiques ».