La composition actuelle, adoptée en 1992, est basée sur l'hymne soviétique. Les autorités lui reprochent de véhiculer l'image trompeuse d'une jeune nation, sans valoriser l'histoire millénaire des Kirghiz, peuple nomade incorporé à l'empire tsariste, puis à l'URSS.
"Remporter ce concours serait une immense réussite", espère Balassaguyn Moussaïev, compositeur de 36 ans qui a écrit l'une des quelques 700 versions du nouvel hymne envoyées entre mi-février et mars.
Après un mois à chercher l'inspiration, le trentenaire dit à l'AFP avoir "écrit la musique en deux jours" et un ami poète a rédigé le texte.
"J'ai pris un plus grand diapason, comme dans les hymnes américain et russe, ce qui permet une culmination" grâce à des notes aiguës, explique M. Moussaïev à l'AFP lors d'une répétition au conservatoire de Bichkek, la capitale.
Malgré l'afflux de propositions, le ministère de la Culture n'a pas été satisfait et a prolongé début avril le concours en précisant les exigences.
Selon le compositeur Moussaïev, qui devra retravailler son projet, "il faut que le nouvel hymne soit mieux que le précédent en tout point. Sinon les gens se demanderont pourquoi on a changé".
- "Etat à part entière" -
Si le concours est un peu confus, solliciter la population reste rare en Asie centrale, où le système politique kirghiz, plus compétitif, fait figure d'exception parmi ses voisins autoritaires.
Au niveau mondial, modifier complètement un hymne sans changement radical de régime politique reste aussi exceptionnel. Ces dernières années, l’Autriche, le Canada, ou l’Australie ont remplacé quelques mots de leurs chants pour promouvoir l’inclusion des genres ou des minorités nationales.
Cette décision inhabituelle s’inscrit dans la lignée des mesures de refonte des symboles étatiques entreprises par le président Sadyr Japarov, au pouvoir depuis 2021.
Après une révision constitutionnelle ayant renforcé en 2021 ses prérogatives, M. Japarov a modifié fin 2023 le soleil apparaissant sur le drapeau kirghiz pour qu'il ne ressemble plus à un tournesol, soutenant que cela renforcerait la souveraineté nationale.
De nombreuses réussites sont à mettre à son crédit en quatre ans -- nette croissance de l’économie, lutte contre la corruption, signature d'importants accords internationaux --, mais des ONG s’inquiètent de pressions croissantes sur la société civile.
Concernant l'hymne, le dirigeant Japarov n'apprécie guère que le refrain souligne que le "peuple kirghiz est sur le chemin de la liberté" sans mentionner les "5.000 ans d'histoire" des Kirghiz.
"Allons-nous encore chanter cent ans que nous venons d'être indépendants ? Nous sommes un Etat à part entière maintenant, il faut écrire un hymne qui inspirera la jeunesse et les générations futures", avait-il assuré à l'automne.
- "Barre très haute" -
Les autorités ont d'autres griefs parfois surprenants. Le président du Parlement, Nourlanbek Chakiev, a déclaré que l'hymne a fait "fuir des oiseaux" l'ayant entendu.
Selon lui, le futur chant national devra "stimuler le pays vers le développement" et être "facile à chanter pour les gens de 5 à 95 ans".
Pour Nourjiguit Moldoïar, compositeur et vocaliste de 25 ans, ce critère d'accessibilité est contestable. Lui estime qu'il faut d'abord se baser sur "les sentiments ressentis en l'écoutant, les nouveautés musicales et la sincérité".
Il a également participé au concours, même s'il ne "voulait pas changer d'hymne", et aurait souhaité un règlement plus clair. Malgré le manque de temps, Nourjiguit Moldoïar estime avoir fait "du mieux qu'il pouvait avec des délais courts".
"Je voulais écrire un hymne au moins aussi bien que l’actuel, qui est un chef d'œuvre. La barre est très haute" dit le jeune Kirghiz, qui va retenter sa chance avec ses amis musiciens et chanteurs.
Si le Kirghizstan s'accorde sur un nouvel hymne, la Russie, le Bélarus, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan seront les dernières ex-républiques soviétiques à conserver un hymne dont la musique, mais pas les paroles, a été écrite sous le communisme.