Réclamée par Kiev depuis des mois, la décision de Joe Biden sur les missiles a été confirmée à l'AFP dimanche par un responsable américain, à quelques semaines seulement de l'entrée dans ses fonctions de Donald Trump, jugé moins enclin à aider Kiev.

"L'utilisation par Kiev de missiles de longue portée pour attaquer notre territoire signifierait la participation directe des Etats-Unis et de leurs satellites (...), ainsi qu'un changement radical dans l'essence et la nature même du conflit", a déclaré la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova. "La réponse de la Russie dans un tel cas sera appropriée et se fera sentir".

De Rio de Janeiro, où il assiste au G20, Joe Biden a appelé l'ensemble des dirigeants des économies les plus développées à "soutenir fermement la souveraineté" de l'Ukraine, sans toutefois évoquer les missiles de longue portée.

Dans leur déclaration conjointe, les pays du G20 - dont fait partie la Russie - se sont contentés de se dire favorables à "toute initiative constructive" visant à une "paix juste et durable", sans condamner l'invasion.

Ce document "aurait gagné à être plus explicite", a regretté le président français Emmanuel Macron, jugeant la décision américaine d'autoriser les frappes en profondeur "tout à fait bonne".

"La seule puissance qui fait une escalade dans ce conflit aujourd'hui, c'est la Russie, en engageant à ses côtés la Corée du Nord qui est, on le sait, une puissance très agressive (...). Donc c'est véritablement une rupture dans cette guerre qui a conduit à ce choix des Américains", a-t-il insisté.

- "Trop tard" -

Avant une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, à New York, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Andriï Sybiga a pour sa part estimé que le feu vert américain "pourrait changer la donne. Plus loin l'Ukraine peut frapper, plus courte sera la guerre". 

"Cette décision était nécessaire il y a un an", a cependant regretté un haut responsable de la présidence ukrainienne sous couvert d'anonymat.

Selon des médias, le feu vert américain pourrait en plus se limiter à des frappes contre la région russe de Koursk partiellement contrôlée par l'armée ukrainienne et où les troupes nord-coréennes seraient déployées. 

Sur le champ de bataille, dans l'est de l'Ukraine, des militaires ukrainiens, contraints de céder du terrain presque tous les jours, se montrent dubitatifs.

L'annonce américaine "vient probablement trop tard", a ainsi confié à l'AFP l'un d'eux, servant dans la zone de Pokrovsk, un nœud logistique dont les Russes se rapprochent de jour en jour.  

Moscou a, d'ailleurs, revendiqué lundi la conquête d'un nouveau village, celui de Novooleksiïvka, situé à 15 kilomètres environ au sud de cette cité.

Pour la première fois depuis plusieurs semaines, la présidence a annoncé un déplacement de Volodymyr Zelensky lundi sur le front, au plus proche des combats, à Pokrovsk, puis à Koupiansk, autre point chaud dans lequel les Russes ont brièvement pénétré la semaine passée.

- "L'horreur" -

La pérennité du soutien américain a été mise en doute par l'élection de Donald Trump dont les déclarations pendant la campagne pour la présidentielle font craindre à Kiev et à ses soutiens qu'il ne cherche à faire faire à l'Ukraine des concessions inacceptables pour elle. 

Le président russe Vladimir Poutine, dont les troupes avancent, a prévenu que toute discussion sur un arrêt des hostilités ne pourrait s'appuyer que sur les "nouvelles réalités territoriales".

Ces dernières semaines, la Russie a commencé à intensifier ses frappes meurtrières sur les zones civiles chez son voisin, une tactique considérée par beaucoup en Ukraine comme une tentative de briser le moral de la population, dans l'optique d'éventuelles négociations. 

Un tir de missile russe a ainsi fait lundi en plein jour au moins dix morts et 47 blessés à Odessa, une cité portuaire sur la mer Noire, selon les autorités. 

D'après l'armée de l'air ukrainienne, ce sont les éclats d'un projectile russe abattu qui sont tombés sur un quartier d'habitation. 

"J'ai vu l'horreur", raconte à l'AFP Andriï, originaire de Kherson, dans le sud, où il a vécu "sous occupation" russe "pendant six mois", en 2022. Libérée cette même année, Kherson est bombardée quotidiennement par l'armée russe.

Dans l'est, trois personnes ont été tuées dans des frappes russes, ont déclaré les autorités régionales, deux à Kostiantynivka (et deux blessés), ainsi qu'une troisième à Siversk.