La barre symbolique des 100 milliards d'euros investis pour la transition climatique a été franchie en France l'an dernier. Selon les derniers chiffres du Panorama des finances climat publié ce vendredi par l'institut de recherche I4C (Institut de l'économie pour le climat), les investissements cumulés des pouvoirs publics, des entreprises et des ménages ont progressé au cours des trois dernières années pour atteindre la somme de 100 milliards d'euros l'an passé. Un chiffre qui devrait grimper à 108 milliards en 2023.L'originalité de l'étude est de mesurer la part que chaque acteur, public ou privé, prend dans l'effort de transition. Mais attention, tous les investissements ne sont pas pris en compte. Sont comptabilisés ceux dans les infrastructures de transport, les véhicules bas carbone, la rénovation des bâtiments et les infrastructures énergétiques.

Leasing social et bonus

Côté budget de l'Etat, les fonds destinés à la biodiversité, la sylviculture ou la gestion de l'eau ne font pas partie du champ de l'étude. De même, les investissements des entreprises ne tiennent pas compte des investissements de R&D pour améliorer l'efficacité énergétique des procédés industriels par exemple.Il n'empêche : l'un des enseignements de ces travaux est de montrer que l'effort financier repose largement sur les épaules des entreprises et des ménages. Les pouvoirs publics (Etat, collectivités locales et banques publiques) ont financé un tiers des dépenses en faveur de la transition climatique en 2022, soit par investissements directs, dans les infrastructures de transport ferroviaire ou collectif ou les infrastructures d'énergie (nucléaire, parcs éoliens), soit grâce à des incitations fiscales ou des aides publiques. Les deux tiers restants sont du ressort des entreprises et des ménages. « Notre panorama montre que le climat est l'affaire de tous, et pas seulement de l'Etat. Mais les pouvoirs publics ont un rôle important à jouer pour que cet effort soit à la portée de tous », explique Hadrien Hainault, responsable de la publication de cette étude chez I4C.

Les mesures annoncées tout récemment sur le leasing social ou les bonus pour les voitures électriques vont clairement dans ce sens. De quoi inciter les ménages à investir davantage dans la mobilité durable, qui représentaient 16 milliards de dépenses au total en 2022. « La réglementation européenne pousse dans ce sens, de même que la densification du réseau de recharges électriques », poursuit Hadrien Hainault.

En 2023, les efforts sur la mobilité durable se sont poursuivis. En revanche,la rénovation thermique des bâtiments, tous acteurs confondus, n'a progressé que de 3 %, après une croissance soutenue en 2021 et 2022. « L'inflation et l'envolée des prix des matières premières expliquent en partie cette faible augmentation. Le tassement du marché immobilier, avec la remontée des taux d'intérêt, pèse aussi sur la rénovation thermique. L'achat immobilier étant souvent un déclencheur pour entamer des travaux de rénovation », décrypte Hadrien Hainault.

Autre ombre au tableau, les investissements dans les énergies fossiles, en retrait depuis 2019, sont en passe de rebondir en 2023 et plus encore en 2024. Le renouvellement du parc automobile qui s'annonce profitera en effet aussi aux véhicules thermiques. Et les prévisions à la hausse du trafic aérien laissent présager une augmentation des achats de kérosène.

Ces perspectives, selon I4C, ne doivent pas nous détourner de la cible fixée pour les années à venir : ce sont 57 milliards d'euros supplémentaires, selon les calculs du think tank, qui devront être investis chaque année, de 2024 à 2030, pour atteindre les objectifs dressés dans le scénario provisoire de la stratégie nationale bas carbone.