Dans cette œuvre onirique de Lucile Hadžihalilović, elle joue le rôle d'une diva des écrans, glaciale et inaccessible, sur le tournage d'une adaptation très libre de "La Reine des Neiges".
Question: Le film, en lice pour l'Ours d'or samedi, s'inspire de la "Reine des Neiges", version Andersen et pas Disney. Cette histoire vous inspire-t-elle ?
Réponse: "Je ne connaissais pas le conte, on ne me l'a pas lu enfant. J'ai découvert +La Reine des Neiges+ à travers le film de Disney. J'aime beaucoup le premier. (...) J'ai aimé cette noirceur d'Elsa, je trouve ça très déstabilisant comme personnage Disney, cette femme qu'on enferme alors qu'elle a de l'amour dans son cœur. La manière dont elle va exprimer tous ses sentiments se termine mal. Et puis, j'adore la chanson ! (...) J'ai découvert le film avec mes enfants, puis le conte adapté à la Comédie-Française, et j'ai été frappée par la différence."
Question: L'actrice que vous jouez dans ce film est froide et inaccessible, repliée dans sa tour d'ivoire. Ce rôle a-t-il fait écho à des expériences de tournages ?
Réponse: "Il m'est arrivé de travailler, très peu mais parfois, avec des acteurs qui se mettaient vraiment dans une bulle, et pas seulement pour travailler leurs personnages. Ils se considéraient comme des gens peut-être un petit peu au-dessus des autres. (...). Heureusement, ça ne m'est pas arrivé si souvent. J'ai eu la chance de travailler avec des gens ouverts, chaleureux, qui partagent et ne restent pas simplement dans leur coin parce que leur statut peut le leur permettre ou parce qu'ils ont besoin de garder ce statut aux yeux du monde."
Question: Vous-même, comment travaillez-vous ?
Réponse: "J'ai besoin de partager avec les gens, parler, communiquer, échanger ! Il y a des rôles parfois qui demandent un isolement mais, ça, c'est différent: en tant qu'actrice, je vais créer un espace pour pouvoir donner le meilleur au réalisateur, au personnage que j'interprète. Ça m'est arrivé de m'isoler, parce que c'était nécessaire à la construction du personnage ou à la continuité d'une émotion dans une journée. Parfois, on a des scènes très difficiles pour garder le niveau d'émotion ou le niveau énergétique. Alors, ce n'est pas une tour d'ivoire, mais c'est quand même une forme d'isolement."
Question: Vous propose-t-on des rôles féminins de plus en plus complexes, dont celui-ci, dirigé par une réalisatrice ?
Réponse: "J'ai toujours eu la chance qu'on me propose des rôles complexes. (...) Le fait qu'il y ait de plus en plus de réalisatrices aujourd'hui à la tête de films change la donne parce qu'une femme a envie d'explorer tous les aspects de la vie d'une femme, tous les âges, d'explorer comment le regard face à elle-même, le regard de la société face à l'évolution d'une femme, va se transformer. Plus il y a de réalisatrices, plus il y a de rôles intéressants pour les femmes à tout âge !"
Question: De plus en plus d'actrices co-produisent des films, comme Jessica Chastain, Emma Stone... C'est une piste pour faire évoluer le pouvoir ?
Réponse: "Oui, être à l'origine d'un projet, c'est très intéressant. Les Américaines sont plus habituées à ça, parce qu'il y a moins de films d'auteur aux Etats-Unis. Tu peux prendre une histoire et décider d'aller chercher un réalisateur ou une réalisatrice, qui ne va pas forcément porter l'histoire au départ. En France, c'est différent parce qu'on a vraiment des films d'auteur. (...) Je suis encore confrontée à cette idée que l'œuvre d'art vient entièrement de son créateur.
Peut-être que la solution serait que je réalise un film dans lequel je joue ? J'ai toujours cette difficulté à me dire je vais être à l'origine d'un projet et (devoir) trouver la bonne personne pour la réaliser. (...) C'est encore une espèce de petite porte que j'ai à ouvrir en moi."