Reflets d'une union nouée il y a près de cinquante ans à l'Institut des jeunes aveugles de Bamako, le chant de Mariam Doumbia et la guitare d'Amadou Bagayoko se mêlent une ultime fois dans leur neuvième album, "L'Amour à la folie", qui sort le 24 octobre quelques mois après ce décès causé par le paludisme.
"Vraiment, Amadou me manque beaucoup. Il m'aidait, m'encourageait, on faisait tout ensemble, les chansons, la musique", dit à l'AFP Mariam, 67 ans, qui a entamé en France une tournée qui va l'emmener, avec son groupe, aux Etats-Unis, au Canada et en Belgique.
Mariam ne cache pas que le premier concert sans Amadou, fin septembre à Villers-Cotterêts, dans le nord de la France, a été difficile.
"C'était dur, je sentais encore sa présence. Dans ma tête, il était à côté de moi avec sa guitare, à ma gauche, là où il se plaçait tout le temps sur scène", explique Mariam. "Personne ne le savait mais sur scène on se parlait, quand un musicien se trompait ou qu'on avait oublié quelque chose."
- Idole yéyé -
Repéré au début des années 2000 par Manu Chao, le duo Amadou et Mariam a connu un succès planétaire, empilé les disques d'or, joué devant les chefs d'Etat, aux Jeux paralympiques de Paris et côtoyé Stevie Wonder.
Mais l'une des plus grandes joies de Mariam est d'avoir pu rencontrer l'idole yéyé qui a bercé sa jeunesse, aux premières heures de l'indépendance du Mali.
"Mon rêve c'était de rencontrer Sheila parce que j'adorais ses chansons. C'était même mon surnom", se remémore Mariam, qui a commencé à chanter à l'âge de six ans avant de se produire dans les mariages et les baptêmes.
Quand elle rencontre Amadou, non-voyant comme elle, le chanteur-guitariste connaît un petit succès à la radio avec un titre à la gloire des footballeurs. Ensemble, ils forment un groupe avant de, rapidement, former un couple.
"Amadou a dit qu'il voulait qu'on fasse le mariage. J'ai dit qu'il n'y avait pas de problème parce qu'à l'époque, c'était les hommes qui faisaient les premiers pas", sourit-elle.
Trois enfants naissent de leur union, dont Samou Bagayoko qui accompagne désormais sa mère à la guitare, sur scène. "Avoir mon fils à mes côtés, ça me soulage", dit Mariam, pour qui l'ultime album avec son mari Amadou "représente beaucoup".
- Paix et amour -
Comme leurs précédents opus, cet "Amour à la folie" reprend la trame d'une musique malienne "popisée" et insouciante, même si certains titres évoquent la "corruption" (le morceau "Généralisé") et la situation au Mali, dirigé par une junte militaire depuis 2020.
"La situation actuelle du Mali nous inquiète/La situation de notre grand Mali suscite de l’inquiétude/J’ai peur et je m'inquiète", chante le duo sur "On veut la paix".
Fin 2024, le groupe avait pu revenir au pays pour quatre concerts marquant la fin d'une longue absence. "Amadou était content, moi aussi", se souvient Mariam. "On a toujours chanté pour la paix et l'amour parce que le monde, et pas seulement le Mali, en a besoin et on continuera à chanter ça."
Le message ne variera pas, contrairement au nom du groupe. "Comme Amadou n'est plus sur la scène, on ne pourra plus dire Amadou et Mariam", déplore la chanteuse. "Pour le moment, ce sera juste Mariam."