"Désormais, chaque 12 juillet, se tiendra une cérémonie de commémoration pour Dreyfus, pour la victoire de la justice et de la vérité contre la haine et l'antisémitisme", écrit le chef de l'Etat dans une déclaration aux Français.

La première aura lieu en 2026, pour le 120e anniversaire de la reconnaissance par la Cour de cassation de l'innocence du capitaine.

"Ainsi, Alfred Dreyfus et ceux qui combattirent à travers lui pour la Liberté, l'Egalité et la Fraternité continueront d'être l'exemple qui doit inspirer notre conduite", souligne le président.

"L'Affaire Dreyfus" a déchiré l'opinion française pendant plus d'une décennie sur fond d'antisémitisme et de conspiration politico-militaire.

De 1894, année de son arrestation, au 12 juillet 1906, date de l'arrêt mettant fin judiciairement à l'Affaire, Alfred Dreyfus aura connu deux procès, l'emprisonnement et plus de quatre ans de bagne sur l'île du Diable en Guyane.

"Hélas, la filiation des héritiers des antidreyfusards, antirépublicains et antisémites du début et du milieu du XXe siècle ne s'est jamais éteinte", poursuit le président.

- "Héros démocratique" -

"Nous savons qu'il faut toujours faire preuve de vigilance et persévérance contre ces vieux démons antisémites engendrés par la haine. Et aujourd'hui plus que jamais", ajoute-t-il.

Entre janvier et mai 2025, 504 actes antisémites ont été recensés en France, selon le ministère de l'Intérieur, soit une baisse de 24% sur un an mais un doublement par rapport à la même période de 2013. 

"C'est formidable qu'il y ait une commémoration nationale et annuelle. Ce sera un rappel, tous les ans, de ces valeurs fondamentales qu'aucun Français ne doit oublier et qu'il doit au contraire porter et transmettre", s'est félicitée Anne-Cécile Levy, arrière-petite-fille du capitaine, jointe par l'AFP.

Le chef de l'Etat n'a finalement pas accédé aux appels à la panthéonisation d'Alfred Dreyfus à l'occasion de ce 120e anniversaire, tout comme celui des 90 ans de sa mort, le 12 juillet 1935.

L'historien Vincent Duclert - spécialiste de l'Affaire Dreyfus mais aussi du génocide des Tutsi au Rwanda - qui plaidait pour un tel geste a toutefois salué la décision présidentielle.

"A travers elle et les mots qui l'accompagnent, c'est Dreyfus qui est pleinement honoré parce qu'il a été l'artisan courageux, patriote de ce combat pour la justice", a-t-il déclaré à l'AFP.

Lors du 100e anniversaire de la réhabilitation en 2006, le président Jacques Chirac avait déjà fait un premier pas avec une cérémonie nationale d'hommage à l'Ecole militaire, sans aller toutefois jusqu'à un transfert au Panthéon, à l'issue d'un débat agité.

- "Rupture" -

Les détracteurs d'une entrée au Panthéon considèrent qu'Alfred Dreyfus, en tant que victime, n'a pas sa place aux côtés des grands hommes.

"Ce serait une rupture par rapport à la tradition de la Ve République", relevait Avner Ben-Amos, historien spécialiste de la mémoire collective à l'université de Tel-Aviv, le 14 juin dans le quotidien Le Monde.

Après sa réhabilitation, Alfred Dreyfus, réintégré comme commandant, demanda une revalorisation de carrière tenant compte de ses annnées perdues au bagne, sans obtenir gain de cause, et quitta l'armée en 1907 - avant de servir à nouveau pendant la Première Guerre mondiale. 

"Jusqu'à la fin de sa vie (..) il considéra comme injustes les conditions de sa réintégration. Mais, en dépit de cette situation, il continua d'être fidèle à l'esprit de la République comme à sa personne", considère le chef de l'Etat.

L'Assemblée nationale a approuvé à l'unanimité en juin une proposition de loi de Gabriel Attal, chef du parti présidentiel Renaissance, élevant Alfred Dreyfus au grade de général de brigade. Le texte doit encore être approuvé au Sénat à l'automne.

"Le président a pris acte du vote de l'Assemblée nationale sur le grade", s'est félicité Charles Sitzenstuhl, député Renaissance et rapporteur de la proposition de loi.

Julien Aubert, vice-président des Républicains, reste plus circonspect. "Faire reculer l'antisémitisme par la réactivation d'une affaire judiciaire vieille d'un siècle? Dans une époque où l'inculture est justement le problème?  Mobiliser les jeunes au mois de juillet?", s'est-il interrogé sur X.