Lors d'une cérémonie dans le nord de l'Irak, au coeur de la région autonome du Kurdistan, une trentaine de combattants en treillis, hommes et femmes, dont quatre commandants, ont jeté tour à tour fusils et cartouchières dans une grande vasque à laquelle ils ont mis le feu.
Deux officiers du mouvement, une femme, Bese Hozat, puis un homme, Behzat Carçel, se sont relayés pour lire un communiqué saluant une "opération historique et démocratique" sous les vivats de quelque 300 personnes émues aux larmes, selon une journaliste de l'AFP.
"Nous espérons que cette démarche apportera la paix et la liberté. Notre peuple a plus que jamais besoin d'une vie pacifique, libre, équitable et démocratique", ont-ils dit.Cette cérémonie à laquelle ont assisté des représentants des autorités irakiennes et kurdes d'Irak ainsi que du parti turc pro-kurde DEM et des membres des services de renseignements turcs, selon des médias locaux, s'est déroulée devant la grotte de Casene, à 50 km à l'ouest de Souleimaniyeh, connue pour avoir notamment abrité l'imprimerie qui a publié l'un des premiers journaux kurdes.
Les combattants ont ensuite regagné les montagnes proches où ils sont basés, selon un responsable du PKK, un mouvement considéré comme terroriste par la Turquie et ses alliés occidentaux.
- "Tournant irréversible" -
Avec ce désarmement, le PKK, affaibli militairement, peut sauver la face, tout en permettant au président turc Recep Tayyip Erdogan de revendiquer une victoire sur une insurrection qui dure depuis des décennies, selon les analystes.
Ankara s'est ainsi félicité d'un "tournant irréversible" vers une Turquie "sans terrorisme", "une opportunité de protéger des vies innocentes", assurant sa "détermination à soutenir tous les efforts en faveur du désarmement, de la stabilité et d'une réconciliation durable dans la région".
Ce processus de paix initié à l'automne doit permettre de tourner la page de décennies de violences qui ont fait au moins 40.000 morts et tenter d'apporter des réponses à la question kurde au plan national et régional, selon les experts.
Le 27 février, le chef du PKK Abdullah Öcalan, 76 ans dont vingt-six en prison, a appelé le mouvement à "déposer les armes et (...) à se dissoudre", affirmant "assumer la responsabilité historique de cet appel".
C'est paradoxalement l'allié du président Erdogan, le chef du parti nationaliste MHP, Devlet Bahceli, qui a tendu la main à l'ennemi public, lui proposant d'appeler les combattants à renoncer à la lutte armée.
Mercredi, dans un message vidéo en turc, "Apo" (oncle) comme les fidèles d'Öcalan l'appellent, a confirmé l'imminence du désarmement.
- "Politique et paix sociale" -
"Je crois au pouvoir de la politique et de la paix sociale et non des armes. Et je vous appelle à mettre ce principe en pratique", a-t-il insisté.
Le chef de l'Etat turc avait récemment dit son espoir que ce processus se conclurait "le plus rapidement possible, sans obstacle, ni risque de sabotage".
Avec ce premier succès, il souhaite apparaitre comme celui qui a maîtrisé l’insurrection kurde et espère ainsi diviser les deux principaux partis d'opposition, le CHP et le DEM pro-kurde.
Selon un commandant du PKK, cette première cérémonie était un "geste de bonne volonté".
Abdullah Öcalan, lui, est toujours détenu sur l'île prison d'Imrali, au large d'Istanbul, et ne réclame pas d'en sortir, alors que ses commandants faisaient de sa libération un des termes de l'équation.
L'historien des mouvements kurdes Boris James a relevé l'absence "d'acteur tiers pour garantir la probité du processus". Selon lui, "une très forte défiance subsiste entre le PKK et l'Etat turc; l'Etat a donné peu de gages" aux combattants kurdes auxquels aucune amnistie n'a été promise à ce stade.
Ils ont régulièrement dénoncé la poursuite des bombardements turcs sur leurs positions en Irak malgré le processus en cours dont une attaque de drones vendredi avant le début de la cérémonie.
Depuis les derniers violents combats dans la ville turque à majorité kurde de Diyarbakir (sud-est) en 2015, les combattants du PKK sont principalement restés cantonnés dans les montagnes de Qandil, en Irak, soumis également aux opérations de ratissage de l'armée turque.