Ils sont pour l'instant moins d'une dizaine de robots à s'agiter sans cesse pour remplir ou vider des bacs de pièces dans cet entrepôt de 5.000 m2 à Châtillon, juste au sud de Paris. Le logisticien Ecolotrans, spécialisé dans la livraison en centre-ville par vélo-cargo, a ouvert depuis quelques semaines ce site situé à 400 mètres de la frontière avec la capitale. A terme, une centaine d'automates pourraient gérer les stocks de plusieurs clients.Les manutentionnaires sont remplacés par des automates et ne demeure qu'une vingtaine de préparateurs de colis. Ici, plus d'allées encadrant des murs d'étagères, les robots empilent et déplacent des bacs en coulissant sur un damier de rails perché en hauteur. Ce système d'une poignée de millions d'euros conçu par le norvégien AutoStore est en train d'être déployé chez plusieurs clients par son partenaire français, le consultant EY adameo.

Stockage urbain

Bruno Coste, le fondateur d'adameo, est persuadé que cette solution a beaucoup d'avenir pour le stockage urbain grâce à sa compacité qui fait merveille là où le mètre carré se fait rare ou se paye cher. L'argument vaut même en zone plus rurale depuis le vote de la loi sur le zéro artificialisation des sols.C'est ainsi qu'a justifié le spécialiste des céréales de petit-déjeuner Dailycer en inaugurant récemment un entrepôt très automatisé à Faverolles, dans la Somme. Pour limiter l'emprise du bâtiment, le stockage monte à 35 mètres, une hauteur difficile à gérer pour les manutentionnaires. Cet investissement s'accompagne de la création d'une quinzaine de postes et d'un transfert de personnel des zones de stockage classiques vers les zones de stockage automatisées.Le commerce à distance et la grande distribution sont friands depuis des années de ces entrepôts très automatisés. Leclerc ou Casino sont connus pour avoir poussé la logique très loin notamment, comme Amazon qui internalise même la conception de ses équipements. Les grandes marques de luxe se sont offertes aussi des stockages high-tech.Mais au-delà de grands donneurs d'ordre, Bruno Coste estime que la France a du retard à rattraper en la matière, en partie comblée depuis la ruée vers la vente en ligne des commerçants lors de la pandémie. « Nous avons des cas où un retour sur investissement de moins d'un an est obtenu », s'enthousiasme l'expert.

Troubles musculosquelettiques

Autre argument qui fait mouche auprès des CSE toujours inquiets de voir rimer automates avec suppressions d'emploi, ces équipements soulagent normalement les manutentionnaires des gestes les plus éprouvants et réduisent les troubles musculosquelettiques.

La vague puissante de la robotisation rencontre néanmoins plus de résistance depuis la forte hausse des taux d'intérêt. Ludovic Lamaud, vice-président exécutif Ventes et innovation chez le géant français ID Logistics, explique qu'il voudrait bien automatiser davantage mais l'allongement des retours sur investissement est devenu un frein, il faut désormais au mieux cinq ans pour amortir des systèmes sophistiqués. Résultat, dans ses réponses aux appels d'offres, ID Logistics ne propose de l'automatisation que dans un cas sur deux.

En moyenne, les projets portent sur 5 à 8 millions d'euros mais des solutions plus poussées montent vite à 20 ou 30 millions. Les opérations les plus ambitieuses approchent la cinquantaine de million d'euros et l'investissement de Dailycer atteint ainsi 45 millions d'euros.

Les experts citent même une centaine de millions d'euros pour l'immense entrepôt de 3.000 robots mis en fonction parl'épicier en ligne britannique Ocado, lui-même développeur de robots logistiques dans la même veine que ceux d'AutoStore - ces deux acteurs ont d'ailleurs clos cet été un conflit de plusieurs années autour de brevets. Ocado a en outre annoncé lundi un nouvel investissement dans son centre de Luton au nord de Londres. Le nombre de robots de dernière génération y doublera à 44 unités.

L'automatisation, aujourd'hui, apparaît pertinente quand le nombre de références est important, jusqu'à 350.000 dans le textile. Dans ce dernier secteur, les machines trient sur cintre, défroissent toutes seules. Mais pour des références plus restreintes ou pour des produits très volumineux, les bonnes vieilles palettes sur chariots élévateurs conduits par un manutentionnaire font encore l'affaire.

Autre frein, l'engorgement des fournisseurs de systèmes automatisés qui impose de longs délais de livraison. Pourtant, les services de Ludovic Lamaud ont su diversifier leurs approvisionnements en testant de nombreuses marques de robots, au travers d'une dizaine de projets en deux ans. L'entreprise gère aujourd'hui 500 machines dans ses centres. Mais le spécialiste prévient déjà : « Les fournisseurs chinois cassent les prix, à 18.000 euros pièce, c'est devenu une commodité. Le nerf de la guerre, désormais, se trouve dans les logiciels complexes qui coordonnent tous les automates. »