Pas facile d'être une TPE ou une PME en Guadeloupe. Selon l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (Iedom), une filiale de la Banque de France, les petites entreprises, qui constituent 85 % des sociétés de l'île, font face, depuis des années, à des délais de paiement anormalement longs. Notamment dans le public. Selon Bercy, le délai moyen de paiement dans les communes de plus de 3.500 habitants est de 60 jours dans le département, quand le délai légal est de 30 jours pour la commande publique. La communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes a presque une année de retard (339 jours) en moyenne, un record sur l'île.

Toutes les collectivités ne sont pas concernées. La commune de Deshaies, à l'ouest de Pointe-à-Pitre, honore ses factures en seulement 6 jours en moyenne et celle de Petit-Bourg, tout près de la plus grande ville de Guadeloupe, affiche un délai de 26 jours pour payer ses fournisseurs. Parmi les raisons avancées pour expliquer les retards, l'Observatoire des paiements de la Banque de France note dans son rapport annuel « des problèmes récurrents de trésorerie » propres aux collectivités territoriales et établissements publics de santé dans les outre-mer. Le document précise que « cette situation a été aggravée par la crise sanitaire et les tensions sociales qui en sont nées, ainsi que par le contexte de la hausse des prix des matières premières ».

En Guadeloupe, l'essentiel des TPE et PME vit de la commande publique. Face à ces retards à répétition, de plus en plus d'entrepreneurs s'en détournent, comme dans le secteur agricole où bon nombre de producteurs de fruits préfèrent vendre leur production sur les marchés ou en direct sur leur exploitation.

« Un à trois ans de retard »

« Les collectivités locales - cuisines centrales, cantines, etc. - peuvent vous régler avec un à trois ans de retard. Personne ne peut supporter sur du long terme ce type de situation. Cela a des conséquences sur les entreprises en elles-mêmes mais aussi sur les emplois directs et indirects qui sont liés aux activités de production et d'agrotransformation ainsi que sur le revenu de nos agriculteurs », insiste Manuel Gérard, animateur de l'interprofessionnelle Iguaflhor, spécialisée dans la production de fruits et légumes locaux.

En découlent des faillites en cascade. Entre juin 2023 et juin 2024, le nombre de défaillances en Guadeloupe a progressé pour la deuxième année consécutive ( +17,8 %), selon l'Iedom. « Les procédures de sauvegarde ont bondi de plus de 87 % », constate Patrick Vial-Collet, le président de la CCI de l'ile. Dans le même temps, le nombre des liquidations et des redressements judiciaires a progressé de 18 %. Parmi les secteurs les plus fragilisés, on retrouve le BTP, le commerce et la réparation automobile.