Régime de la communauté réduite aux acquêts
Selon Marie Damourette, responsable de l'ingénierie patrimoniale chez Neuflize OBC, « c'est un outil essentiel pour traduire la volonté des époux dans la manière dont ils veulent gérer et développer leur patrimoine propre comme commun ». Encore leur faut-il trouver le contrat le plus adapté à leur situation personnelle et professionnelle.
A défaut de choix, c'est en effet le régime de la communauté réduite aux acquêts qui prévaut. Dans celui-ci, au moment de la séparation, le patrimoine du couple est partagé à parts égales entre les deux ex-époux. En revanche, tout ce qui leur appartenait individuellement avant l'union ou qu'ils ont reçu à titre personnel pendant celle-ci leur reste propre.Toutefois, « lorsque l'un des deux investit une somme reçue par donation ou succession dans un bien présumé commun au couple, il peut s'avérer difficile pour lui de prouver à terme l'origine de ces fonds. Et, dans le cas où il n'y parvient pas, le montant en question est considéré comme appartenir aux deux au moment du divorce », prévient Anne-Claire Crosnier-Vaudable, notaire à Paris et membre du groupe Monassier. D'où l'importance, poursuit-elle, « de prévoir une 'clause de remploi' afin de permettre la traçabilité des sommes propres qu'il a investies dans la communauté ».En cas de création d'entreprise
Autre danger de ce régime : la création par l'un des époux d'une entreprise pendant la durée du mariage. « La société ainsi fondée va évoluer comme étant un bien commun. En cas de séparation, sa valeur est alors divisée entre les deux conjoints. Pour prévenir au maximum les difficultés sur le fonctionnement de l'entreprise, notamment dans les sociétés type SARL ou SCI, il est judicieux de prévoir que l'autre conjoint n'ait pas la qualité d'associé dans les statuts », conseille Me Grimaud.Les époux qui souhaitent éviter toute confusion de leurs patrimoines et protéger les biens affectés à leur exercice professionnel ont, pour leur part, tout intérêt à opter pour le régime de séparation de biens. En effet, dans le cas de ce dernier, en cas de divorce, chacun récupère la totalité de ses biens, qu'importe le moment où ils les ont acquis (avant ou après l'union). Quant à ceux qu'ils ont achetés en indivision durant le mariage, ils les partagent au prorata de leur contribution personnelle à leur financement.D'autres régimes hybrides existent mais, à moins de prendre quelques précautions, leurs conséquences peuvent être lourdes au moment de la séparation. Il en va notamment ainsi du régime de la participation aux acquêts ; lequel prévoit que, durant le mariage, c'est le régime de la séparation de biens qui s'applique mais qu'au moment du divorce, c'est celui de la communauté réduite aux acquêts.Bilan : afin que l'entreprise qu'un des époux aurait fondée pendant l'union ne tombe pas dans la masse commune appelée à être divisée à parts égales entre eux, « il est essentiel, dans ce type de régime, de prévoir une clause d'exclusion des biens professionnels », souligne Marie Damourette. Même si, insiste-t-elle, sa mise en place ne garantit en rien son application.Les problématiques de jurisprudence
Motif ? « Des jurisprudences récentes estiment que cette clause constitue un avantage matrimonial révoqué de plein droit par le divorce et qu'elle est donc sans valeur. Mais, en mai 2024, la modification de l'article 265 du Code civil a de nouveau changé la donne en disposant que cet avantage ne peut être remis en question dès lors que les époux ont clairement notifié dans leur contrat de mariage qu'ils ne veulent pas que ce soit le cas », note-t-elle.
Autrement dit, pour les conjoints ayant signé avant cette date un contrat de participation aux acquêts comprenant une telle clause, il est impératif - s'ils veulent qu'elle puisse être appliquée - d'ajouter cette nouvelle mention dans leur convention matrimoniale.Et ils ne sont pas les seuls à être concernés par ces problématiques de jurisprudence. Ceux ayant opté pourla séparation de biens subissent eux aussi aujourd'hui les conséquences d'une décision de la Cour de cassation quant aux charges du mariage, prévient Me Crosnier-Vaudable.
« Selon celle-ci, tous les frais réalisés pour la résidence principale ou secondaire du couple sont désormais considérés comme des dépenses du ménage. Or, selon la loi, chaque époux est réputé participer à celles-ci au prorata de ses revenus. Cela signifie donc que si le couple achète en indivision un logement via un crédit dont l'essentiel du remboursement est assumé par un seul des conjoints, ce dernier n'aura aujourd'hui pas systématiquement droit à une créance contre son conjoint pour la prise en charge de sa quote-part de financement. Et ce, qu'importe le montant qu'il en a réellement financé. » D'où la nécessité, là encore, pour les particuliers mariés sous ce régime, de modifier leur contrat en insérant une clause anticipant cette situation.Dernière erreur, enfin, à éviter pour tous ceux qui aspirent à « réussir leur divorce » patrimonialement parlant : ne jamais faire évoluer son contrat de mariage. « La situation d'un couple peut se transformer rapidement tant d'un point de vue familial que professionnel. Il faut donc faire le point régulièrement sur le régime choisi, quitte à en changer carrément », préconise Me Grimaud. Exemple : en cas d'expatriation, les contrats de mariage français ne sont pas toujours reconnus à l'étranger. Mieux vaut donc, parfois, avant de partir, remplacer son régime matrimonial par un contrat de mariage international.