Ces professionnels de l'accompagnement des personnes âgées n'ont pas voulu attendre la formation d'un nouveau gouvernement pour interpeller les politiques. Les déficits des structures dédiées aux personnes dépendantes « se creusent », a alerté à la mi-juillet la Fédération des établissements hospitaliers et aides à la personne (Fehap), représentant des acteurs non lucratifs.
Il faut que « ce sujet soit le premier sur la pile » du prochain exécutif, va même jusqu'à dire la Fédération. Celle-ci alerte non seulement sur les problèmes financiers de ses Ehpad mais aussi sur les difficultés des services d'aide à domicile. Souvent opérées par des associations, ces structures sont considérées comme clés pour aider les personnes âgées - toujours plus nombreuses - à rester chez elles le plus longtemps possible.
Le secteur est très éclaté, et ses contours étant difficiles à cerner, il est compliqué d'avoir une vision globale et précise de sa santé financière. Sur le terrain néanmoins, les témoignages de difficultés sur fond d'inflation abondent. « Cela fait trois ans que je suis déficitaire », explique ainsi Maud Girardeau-Roussay, directrice de Santé services choletais, un service structuré en association et proposant des soins.Des bénéficiaires qui renoncent à être aidés
Celle-ci regrette notamment que le budget alloué par l'agence régionale de santé (ARS) « ne finance pas l'intégralité » des hausses de rémunération actées au profit des soignants ces dernières années. Si elle a « beaucoup de mal à trouver du personnel », la responsable associative « hésite » à recourir à de l'intérim car cela « coûte très cher ». « Je suis inquiet sur nos budgets », explique Alain Lefevre, directeur d'une structure d'aide aux personnes âgées à Montpellier baptisé Gammes. L'offre de services d'infirmiers ou d'aides-soignants est « juste à l'équilibre », mais l'activité d'aide à domicile classique - dont le mode de financement public diffère - est « déficitaire ». « On est sous-financés, notamment par le département », déplore le responsable associatif. Certes, depuis 2023, ces services sont censés bénéficier d'un financement à hauteur de 23 euros de l'heure minimum, mais les opérateurs considèrent que ce n'est pas du tout suffisant pour faire face aux coûts de fonctionnement. « Je pense que beaucoup de services à domicile vont mettre la clé sous la porte », lâche Alain Lefevre. « La situation est catastrophique. On a tous les jours des services qui ferment, on en a qui sont en redressement ou en liquidation », abonde Marie-Reine Tillon, présidente de l'Union nationale de l'aide (UNA), des soins et des services aux domiciles, une fédération importante dans le secteur de l'aide à domicile non lucratif. Selon elle, nombre de personnes âgées accompagnées sont déjà perdantes malgré les aides dont elles bénéficient : « De plus en plus de départements ne financent pas assez les services à domicile, si bien qu'il y a un reste à charge de plus en plus important pour les bénéficiaires. Il y a des gens qui renoncent à être accompagnés pour partie ou complètement. » Une réforme du financement des services de soins est entrée en vigueur en 2023 pour faciliter la prise en charge des patients les plus lourds. Par ailleurs, pour éviter que les personnes âgées ne soient contraintes de faire appel à plusieurs structures pour se faire aider, il est prévu de fusionner les services de soins avec les autres services d'aide. Cette restructuration, censée aboutir d'ici à la fin de 2025 à la naissance de multiples « services d'autonomie à domicile », suscite des inquiétudes sur le terrain. Notamment du côté des structures de soins, en meilleure santé, qui redoutent de voir leurs comptes se dégrader à l'issue d'un mariage avec un service d'aide classique.L'UNA « applaudit des deux mains » cette réforme susceptible de simplifier la vie des bénéficiaires, mais « cela n'enlève rien aux besoins de financement », insiste Marie-Reine Tillon.La promesse d'une loi « grand âge »
Les difficultés sont reconnues du côté de l'Etat. « Sous l'effet de l'inflation, ces services sont confrontés à des tensions budgétaires qui, conjuguées aux difficultés de recrutement, menacent la continuité de l'activité », alertait ainsi l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport publié en mars dernier. Et le service administratif de préconiser de « fixer un financement aligné sur le coût de revient moyen des services ».Cela fait des années que les spécialistes de la dépendance s'inquiètent du manque de moyens mis sur la table pour faire face au vieillissement de la population. Après avoir fait miroiter le projet, déjà maintes fois reporté, d'une loi consacrée au « grand âge », le gouvernement Attal, désormais démissionnaire, l'a cependant mise sous le tapis. Au grand dam des acteurs du secteur. La recomposition politique en cours risque de retarder toute avancée en la matière.