Une grève imminente menace Klarna, la fintech suédoise du paiement fractionné. Ces huit derniers mois, la start-up a refusé de négocier avec les organisations syndicales, rapporte le média britannique « Sifted ». Celles-ci réclamaient une convention collective obligeant l'entreprise à travailler avec les syndicats lors des changements significatifs, comme des licenciements. Un appel à la grève est prévu pour le 7 novembre.

Contrairement à la Suède, où près de 70 % des salariés sont syndiqués (et notamment les cadres), l'Hexagone ne compte que 10,3 % d'employés membres d'un syndicat, et 8 % dans le privé. « Personnellement, je n'ai jamais vu de syndicats en start-up. C'est assez peu la culture des salariés recrutés », remarque Charlotte O'Leary, avocate associée en droit social au sein du cabinet Delcade. Les employés dans ces structures sont souvent jeunes. En France, seuls 2,7 % des moins de 30 ans adhèrent à un syndicat.

Le sujet du bien-être plus prégnant

L'avocate accompagne en revanche les start-up dans la mise en place d'un Comité économique et social (CSE), l'organe de représentation privilégié des jeunes pousses. Celui-ci est obligatoire dès onze salariés et regroupe des élus en interne. Plus les salariés sont nombreux, plus le CSE gagne du pouvoir, en particulier à partir de 50 employés.« Il est intéressant d'avoir des partenaires avec qui discuter. Avant la mise en place de notre CSE, les décisions étaient prises entre les fondateurs et l'équipe de direction, il n'y avait pas cet échange sur les décisions stratégiques », remarque Sidonie Viala, DRH de Foodles, dont l'un des élus est aussi un délégué syndical.

Cette start-up spécialiste des cantines d'entreprises compte environ 400 salariés, dont 150 sur des fonctions opérationnelles : livreurs, gestion logistique, entrepôts… « Quand j'ai commencé à travailler en start-up il y a huit ans, les organisations étaient très horizontales. Avec le temps, et en particulier depuis la crise sanitaire, le sujet sur le bien-être des collaborateurs est plus prégnant », poursuit la professionnelle des ressources humaines.

Avec des élus, les salariés peuvent aborder des sujets de manière anonyme. Ils représentent aussi des interlocuteurs moins nombreux, facilitant la communication avec la direction. « Nous avons longtemps gardé des relations en direct. Mais il est nécessaire d'avoir des représentants protégés, qui ont la capacité de dire des choses que certains auraient peur d'exprimer. C'est très sain », remarque Guy Pezaku, le cofondateur de Murfy, qui compte près de 350 salariés.

Former les élus

Les sujets abordés dans les start-up sont divers : les augmentationsgénérales collectives (NAO), le harcèlement moral, les horaires de travail souvent lourds… mais aussi les erreurs commises. « Des salariés avaient été en faute, nous ne savions pas quelle sanction appliquer. Le CSE nous a aidés à être justes, à ne pas céder à la tentation d'en faire un exemple », illustre une cheffe d'entreprise, qui préfère rester anonyme.

Plus récemment, en lien avec la crise que connaît l'écosystème start-up, les sujets à l'ordre du jour se musclent, notamment autour des orientations stratégiques de l'entreprise et des licenciements économiques. Sur ce dernier point par exemple, le CSE a l'obligation d'être consulté, mais n'a pas le pouvoir de bloquer le projet de licenciement. « Il a tout de même un rôle car il va pouvoir échanger avec la direction sur les conditions de départ des salariés, le montant des indemnités et demander des mesures d'accompagnement », liste Charlotte O'Leary.

Encore faut-il que les élus soient bien formés et engagés pour gérer ces situations de crise. Si leur formation est obligatoire, elle n'est pas toujours respectée par l'employeur. « Je reçois beaucoup d'appels d'élus démunis face à certaines situations », poursuit l'avocate. Dans les start-up, les salariés volontaires pour se présenter aux élections se comptent parfois sur les doigts d'une main, au risque d'avoir des « CSE fantômes ». Ces derniers répondent techniquement aux obligations de la loi, mais sont composés d'élus inactifs.

Un vent de changement outre-Atlantique

Les élus, au-delà du temps qu'ils doivent dédier à leur fonction (entre 10 et 16 heures par mois, selon la taille), sont davantage protégés. Pour les licencier, l'employeur doit d'abord demander l'autorisation à l'inspection du travail. « Si les élus se saisissent de l'enjeu de leur rôle et portent la voix du salarié, c'est bénéfique tant pour la direction que les salariés. S'ils ne se présentent que pour être protégés, ce n'est pas le sens du comité », indique l'avocate.Bien que les salariés syndiqués restent rares dans les start-up, la France a vu naître en 2021 le premier syndicat des « entreprises de livraison deux-roues de Paris » (affilié à la CGT) pour défendre les travailleurs indépendants des plateformes (Uber Eats, Frichti, Deliveroo…).Un vent de changement souffle aussi de l'autre côté de l'Atlantique, le berceau de la tech. Dans la Silicon Valley et en particulier chez Google (Alphabet), plusieurs structures syndicales ont vu le jour, comme Alphabet Workers Union, qui rassemble plus de 1.400 personnes du groupe de Mountain View.