C'est un phénomène assez français. Au niveau mondial, c'est un sujet important depuis longtemps. En France, après des années durant lesquelles le robot a été vu comme un ennemi, on le considère maintenant comme une opportunité industrielle permettant à l'homme de faire des choses à la fois plus durables et plus épanouissantes, tout en créant de la valeur. Mais l'homme doit être au centre de la démarche. Il est capital de comprendre les besoins des ingénieurs, des ouvriers, des entrepreneurs et de construire avec eux des technologies qui vont les aider. Il faut éviter ce que l'on a longtemps fait, c'est-à-dire le travail d'ingénieur, en laboratoire, très éloigné des utilisateurs.Il existe mille et un robots. Il est donc difficile de réfléchir de façon générale. Sur des tâches bien spécifiques, beaucoup de progrès ont été faits, les méthodes sont désormais éprouvées et les robots acceptés - qu'il s'agisse pour eux de tondre la pelouse, d'aspirer la poussière, de se voir assigner des tâches de surveillance ou même d'apporter des plateaux repas dans les hôpitaux. Pour d'autres applications, les défis sont à la fois techniques, culturels et sociétaux. Accompagner une personne en difficulté avec un robot soulève de multiples problèmes (...), à commencer par la sécurité de la personne à ses côtés. L'assistance à domicile s'avère encore plus compliquée, car il n'existe pas deux maisons identiques. Une telle machine devra en outre être capable d'interpréter la volonté de l'humain, donc de bien comprendre le langage naturel.Oui, mais à condition de créer un dialogue avec la société afin qu'elle exprime ses besoins et ses peurs. Les idées et les innovations viendront aussi des utilisateurs. Cela suppose donc qu'il existe des intermédiaires variés, comme les cafés des sciences ou encore des projets avec des artistes mettant en place des installations utilisant des robots.C'est tout un ensemble de raisons culturelles, religieuses, historiques, cosmogoniques avec, comme au Japon ou en Corée, une conception différente de l'artifice et du rapport à la nature (...). Pour les roboticiens japonais, un robot est un hommage à la nature. Dans la littérature ou le cinéma asiatiques, le robot arrive pour sauver le monde, alors qu'en Occident, il génère rapidement des problèmes.Les robots vont avoir des impacts sociétaux énormes, mais pas forcément dans les directions que l'on imagine. Ainsi, les robots humanoïdes, dont on parle beaucoup, ne seront pas présents dans notre quotidien avant un moment car il existe de multiples défis à relever. En revanche, les objets robotisés sont déjà omniprésents : voitures, appareils domestiques communicants... On ne parle pas de robots dans leur cas, alors que nous sommes bien dans le même domaine. On constate aussi des signes avant-coureurs de l'intérêt pour la robotique de la part des géants de l'économie dématérialisée. Amazon, qui a racheté la société Kiva Systems, a pour objectif d'automatiser le fonctionnement de ses centres logistiques. Plus récemment encore, Google a repris plusieurs start-up du secteur comme Boston Dynamics, très en pointe sur le robot à quatre pattes, ou le britannique DeepMind, spécialiste de l'intelligence artificielle.Ce sont des travaux qui ont commencé il y a une dizaine d'années, notamment chez Sony, où j'ai travaillé dix ans autour de la modélisation de la curiosité pour des machines robotisées. Au fil des expériences, nous avons découvert statistiquement que ces robots évoluaient de façon comparable à l'humain. Notre pari est que la modélisation mathématique et la simulation informatique vont jouer un rôle important pour comprendre le fonctionnement du cerveau et de la cognition humaine. Et le robot jouera un peu le rôle qu'a eu l'ordinateur dans le domaine de la prédiction du climat.Oui, car l'apprentissage des robots est essentiel si on veut les déployer dans l'industrie, et notamment dans les PME. Aujourd'hui, ces machines sont enfermées dans des cages et ne sont pas destinées à être manipulées. Demain, nous pensons pouvoir mettre au point des robots plus petits, plus généralistes et qui pourront collaborer avec l'ouvrier, puisque ce dernier pourra le reprogrammer facilement en fonction de la tâche à effectuer. Un peu comme il ferait avec un être humain. C'est ce que l'on appelle la « cobotique ». Et l'on voit que l'on revient à nos techniques d'apprentissage : le robot va devoir être à la fois capable d'apprendre par imitation et ensuite s'améliorer grâce à ces systèmes de curiosité.