Tensions géopolitiques, montée du protectionnisme et désorganisation des chaînes de valeur. Ce sont les principaux risques que les 3.000 entreprises exportatrices de huit pays interrogées par Allianz Trade mettent en avant pour cette année. Près de 70 % de ces entreprises citent les risques géopolitiques comme faisant partie de leurs trois principales craintes.

Comme le dit Philippe Dauba-Pantanacce, économiste chez Standard Chartered, « l'évènement géopolitique le plus important de l'année, c'est l'élection présidentielle américaine de novembre prochain . L'issue de ce scrutin aura des répercussions sur le monde entier. On en voit d'ailleurs déjà les conséquences comme en Asie où les pays ont tendance à resserrer leurs liens économiques pour faire face à un retour de Trump, ce dernier souhaitant instaurer des droits de douane de 60 % sur les importations chinoises ».

Réorganisation des chaînes de valeur

On ne sait pas encore si Donald Trump sera élu mais, d'ores et déjà, 53 % des entreprises envisagent de relocaliser une partie de leur chaîne de valeurs, selon l'étude d'Allianz Trade. « Les chaînes de valeur sont en risque car nous sommes allés très loin dans la mondialisation. Aujourd'hui, elles sont très longues, complexes et concentrées », explique Ano Kuhanathan, économiste chez Allianz Trade.Des pays comme le Vietnam, l'Inde et le Mexique profitent de cette tendance des multinationales, surtout occidentales, à revoir leurs approvisionnements et leur production, et à ne plus s'approvisionner exclusivement en Chine.

Depuis début 2022, le commerce entre pays proches a progressé de 7 % environ alors que le commerce entre marchés très éloignés a reculé de l'ordre de 5 %. Mais il existe des freins importants à ces relocalisations. Tout d'abord, l'opération est coûteuse, selon 70 % des entreprises interrogées. Ensuite, le travail est plus cher, les réglementations sont moins souples dans les pays riches, le personnel souvent plus difficile à trouver, et la qualité des fournisseurs est moindre, à en croire 50 % des entreprises.

Les dépendances à la Chine

Et la majorité des entreprises produisant en Chine ne prévoit pas d'y réduire leur présence. Si des pays veulent réduire leurs dépendances, « il s'avère très difficile de le faire car les capitaux chinois sont présents aujourd'hui dans de nombreux pays. Les entreprises chinoises ont des usines au Mexique, au Vietnam, au Brésil… », souligne Ano Kuhanathan.

Pour y arriver, les Etats-Unis ont lancé de grands programmes de subventions tels que l'Inflation Reduction Act ou le Chips Act. « La Chine veut être la première dans des technologies de la quatrième révolution industrielle, ce qui suppose d'acquérir des positions fortes sur les marchés extérieurs », selon Georges Magnus, chercheur au China Centre. Pékin finance ses exportateurs via les banques publiques notamment. Les Européens ont un problème pour gagner cette course. « Dans la compétition qui se joue entre l'UE, la Chine et les Etats-Unis, l'Europe fait face à un trilemme : l'UE veut en même temps garder et approfondir le marché unique, elle souhaite faire émerger des champions mais elle laisse la politique industrielle aux mains des Etats membres. Or, concilier ces trois objectifs est impossible », note Ano Kuhanathan.