Données personnelles, filtrage, cybercriminalité, encadrement des géants du Net, tels sont les grands thèmes qui devraient faire partie du projet de loi sur le numérique promis par Fleur Pellerin, qui pourrait être déposé en septembre au Parlement. Le ministère de l'Economie numérique, accompagné par l'Intérieur, et le Redressement productif, a commencé à travailler en amont. L'exécutif attend quand même de recevoir les recommandations du Conseil national du Numérique qui sera saisi en avril pour mener une grande concertation. Premier thème abordé, lors d'une récente réunion interministérielle, la « confiance » des internautes, selon une note à laquelle « Les Echos » ont eu accès. Le texte suggère la création d'un droit à l'oubli, mais uniquement pour les mineurs. En revanche, l'exécutif balaye l'instauration d'un droit à l'oubli général, dans la mesure où la Commission européenne travaille sur un règlement sur les données personnelles. En matière de cybercriminalité, les ministères suggèrent de renforcer les possibilités « d'infiltration sous anonymat des forces de l'ordre ». Plus explosif, la révision du régime des hébergeurs de services Internet, comme Google ou Dailymotion, encadrée par la Loi sur l'économie numérique. Ainsi, le filtrage administratif (sans l'autorisation du juge), pour l'instant limité aux sites pédo-pornographiques mais que les gouvernements successifs rêvent d'étendre à d'autres contenus, pourrait être placé sous un contrôle indépendant, le cas échéant a posteriori, donc après les mesures de filtrage. « On pose la question d'un contrôle indépendant qu'il soit judiciaire ou administratif. Le juge aussi a ses limites en matière de compétence », relève-t-on au gouvernement. Reste à savoir quelle autorité en hériterait : le CSA, la CNIL ? En revanche, aucune modification de la Loi de programmation militaire, qui a instauré une surveillance générale des internautes, n'est prévue. L'exécutif souhaite aussi incriminer le spam et faire de l'usurpation d'identité une « circonstance aggravante ».

Un volet pénal

Comme Fleur Pellerin l'avait évoqué, le nouveau texte prévoit à la fois de simplifier les procédures de la CNIL mais également de renforcer ses pouvoirs de sanction, en prévoyant par exemple un volet pénal. La Commission n'avait pu imposer à Google qu'une amende de 150.000 euros. Comme évoqué aux voeux de l'Arcep, Fleur Pellerin veut également profiter de la loi pour renforcer le rôle de l'Etat « dans l'attribution des fréquences télécoms», au détriment du gendarme des télécoms (« Les Echos » du 29 janvier). Enfin, le projet vise aussi les Google, Netflix et autre Apple (baptisés les « Over the top »). Il s'agirait d'octroyer à l'Arcep, les pouvoirs de demande d'information, d'investigation et de sanction qu'il exerce déjà sur les opérateurs télécoms. Dans l'hypothèse d'un litige entre Free et YouTube par exemple, le gendarme des télécoms pourrait aussi bien sanctionner l'un que l'autre. Concernant la neutralité du Net, le ministère de l'Economie numérique suggère le statu quo et s'en remet aux recommandations du Conseil national du numérique, qui devra dire s'il faut demander une modification du cadre européen, ou intervenir directement sur la législation nationale.