L'économie française est à la peine. Et les plans d'économies annoncés par l'exécutif pour rétablir des finances publiques très dégradées risquent de freiner son redémarrage, prévient l'Observatoire français des conjonctures économiques.

Selon les prévisions de l'OFCE présentées mercredi, l'annulation de 10 milliards d'euros de crédits budgétaires cette année devrait retirer 0,2 point de PIB en 2024, tandis que les 20 milliards d'euros d'ajustement budgétaire déjà promis par l'exécutif pour l'an prochain (les mesures ne sont pas connues à ce stade) pourraient avoir un impact sur la croissance, estimé à 0,6 point.

Arbitrages

Dans ce contexte, et alors que la fin de l'année 2023 a été plus poussive que ce qu'envisageait l'institut, la croissance du PIB devrait être limitée à 0,5 % en 2024, contre 0,8 % prévu en octobre, loin, en tout cas, du 1 % visé par le gouvernement, selon l'OFCE. En 2025, elle atteindrait 1,2 %, contre 1,4 % prévu par Bercy dans son programme de stabilité.

Pour l'Observatoire, il faudra attendre l'an prochain pour que les baisses des taux d'intérêt annoncées de la Banque centrale européenne (BCE) aient un effet positif sur l'économie hexagonale, compte tenu des délais de transmission.En attendant, les hausses passées devraient amputer le PIB de 0,6 point cette année. « La prévision va évoluer en fonction des annonces », tempère toutefois Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et Prévision de l'OFCE. Elle dépendra notamment des choix du gouvernement pour redresser les comptes. « Il y a un arbitrage à faire entre croissance et réduction des déficits », souligne l'expert, sachant que réduire les dépenses conduit à des effets « un peu plus récessifs » que les hausses d'impôts.

Taux d'épargne à 18 %

A ce stade, l'OFCE estime toujours que la reprise progressive de la consommation des ménages soutiendra la croissance cette année grâce au regain de pouvoir d'achat de 1 % mesuré par unité de consommation. Celui-ci serait soutenu à la fois par la hausse des prestations sociales et par une progression des salaires réels, alors que l'inflation devrait refluer plus vite que prévu pour s'établir à 2,4 % en moyenne en 2024.

La confiance des ménages demeurant basse, le taux d'épargne resterait néanmoins élevé, autour de 18 % du revenu disponible, soit 3 points au-dessus de son niveau d'avant-crise. « Au cours des quatre dernières années, les ménages ont accumulé 15 points de revenu annuel en surépargne, soit 240 milliards d'euros », note Mathieu Plane, avant d'ajouter : « Pour autant, ils ne sont pas plus riches qu'avant. » Laminée par l'inflation, la valeur réelle de l'encours de patrimoine financier détenu par les Français fin 2023 était inférieure à son niveau de fin 2019.Pour l'OFCE, le taux d'épargne devrait néanmoins se réduire un peu l'an prochain, à 17,5 %, avec la baisse des taux d'intérêt et de l'inflation. Ce d'autant que le pouvoir d'achat par unité de consommation ne progresserait plus que modestement, de 0,2 %. « Les revalorisations des prestations sociales et des pensions de retraite seront plus faibles et les revenus du patrimoine seront moins dynamiques », explique Mathieu Plane.

Déficit à 5 %

Selon l'Observatoire, le commerce extérieur devrait, lui aussi, apporter une contribution positive à la croissance. En revanche, du côté des entreprises, la situation a changé. Entre l'atonie de la demande et des conditions de financement plus difficiles, elles devraient limiter leurs projets. De ce fait, le recul de l'investissement devrait s'amplifier cette année. De même, l'investissement des ménages, qui recouvre principalement les achats immobiliers, devrait continuer de chuter.

Dans ce contexte, l'OFCE estime que l'économie française pourrait perdre 100.000 emplois en 2024. Mais « on les retrouverait en 2025 », précise Eric Heyer, son directeur. En berne depuis le Covid, la France rattraperait « un sixième de la productivité perdue au cours de ces deux années », souligne-t-il. Dans la foulée, letaux de chômage remonterait pour s'établir à 8,2 % fin 2024 et 8,1 % fin 2025, du fait notamment de la hausse de la population active liée à l'entrée en vigueur de la réforme des retraites. La prévision ne tient pas compte, en revanche, de la réforme du RSA.

Pour l'OFCE, malgré le coup de frein à la dépense envisagé par l'exécutif, les finances publiques vont rester durablement dégradées. Compte tenu de la chute attendue de certaines assiettes fiscales (immobilier, bénéfices des sociétés, etc.), le déficit public est attendu à 5 % du PIB en 2024 - un chiffre proche de celui de Bercy (5,1 %). Il serait ensuite ramené à 4,4 % en 2025 quand le ministre de l'Economie vise 4,1 %. La dette publique augmenterait néanmoins pour s'établir à 111,9 % du PIB cette année et 112,8 % l'an prochain. Une prévision plus optimiste que celle de l'exécutif, qui l'attend à 112,3 % et 113 %. « Le gouvernement a raison de dire que ses aides massives ont permis de soutenir l'activité. Maintenant, il serait légitime de stabiliser nos finances publiques par une hausse de la fiscalité », juge Xavier Ragot, le président de l'Observatoire.