A événement exceptionnel, technologies exceptionnelles ? Alors que les Jeux Olympiques et Paralympiques auront lieu à Paris cet été, les pouvoirs publics vont expérimenter la vidéosurveillance algorithmique afin de garantir la sécurité. L'enjeu est de taille : plusieurs millions de touristes sont attendus en Ile-de-France, une région touchée par plusieurs attaques terroristes ces dernières années et qui reste marquée par le fiasco de l'organisation de la finale de Ligue des Champions 2022 à Saint-Denis.

En 2023, les députés ont voté une loi sécurité relative aux Jeux Olympiques encadrant, pour la première fois, l'usage de la vidéosurveillance algorithmique. Dans la foulée, le ministère de l'Intérieur a lancé un appel d'offres découpé en quatre lots pour tester cette technologie. Les résultats sont tombés récemment et trois start-up tricolores (sur quatre lauréats) ont été retenues.

Le jackpot pour Wintics

Celle qui a tiré le plus gros lot est Wintics, qui a obtenu les marchés d'analyse vidéo pour l'Ile-de-France et celui des gares et stations de la SNCF et la RATP. Dans le détail, cette jeune pousse a développé une solution qui se connecte aux réseaux de caméras existants. Grâce à l'intelligence artificielle, elle est capable de détecter des risques ou menaces, puis de les notifier à des agents de sécurité. « Il s'agit d'un outil d'aide à la décision », souligne Matthias Houllier, patron et cofondateur de Wintics. « Il y a une liste de huit événements pour lesquels nous sommes autorisés à envoyer des notifications. » La start-up peut, par exemple, alerter s'il y a des flux trop importants de personnes dans une station de métro, en cas de présence ou d'utilisation d'armes en feu ou si des objets abandonnés traînent sur la voie.Pour Wintics, les JO représentent un gros défi technique mais aussi un sacré tremplin économique. Au total, elle pourrait toucher une enveloppe pouvant atteindre jusqu'à 4 millions d'euros. Un beau coup de pouce pour une start-up qui a généré environ « un million de revenus » en 2023, selon son dirigeant.

Les autres start-up sélectionnées sont ChapsVision, sorte de Palantir à la française qui a levé 90 millions d'euros en 2023, et Videtics, une start-up basée à Nice. Contactées, les jeunes pousses n'ont pas souhaité répondre à nos sollicitations. Orange Business Services est le dernier lauréat. Selon nos informations, XXII, une start-up de vision par ordinateur qui a levé 22 millions d'euros en 2023, était aussi candidate mais a été recalée.

Evangéliser un marché embryonnaire

Dans le cadre de cette expérimentation qui durera jusqu'en mars 2025, les start-up ont l'interdiction de recourir à des techniques de reconnaissance faciale ou biométrique. Des procédés utilisés en Chine et qui sont régulièrement dénoncés par les organisations de défense des droits de l'homme.Pour les start-up sélectionnées, l'espoir est que les Jeux Olympiques à Paris permettront d'évangéliser un marché embryonnaire. « Les JO, c'est une très belle image de marque. Mais est-ce que ça se concrétisera, plus tard, en business ? », s'interroge une source.Un comité a été créé et assurera le suivi du test. Il doit informer tous les trois mois la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) des conditions de sa mise en oeuvre et, devra, plus tard, remettre un rapport public sur le sujet. « L'idée, c'est d'expérimenter et d'avoir à la fin un débat éclairé sur cette technologie », commente Matthias Houllier, qui est convaincu qu'il existe une « voie à la française, réconciliant technologie, data et sécurité ». Interrogée sur le sujet en septembre 2023, la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, avait déclaré que si la vidéosurveillance algorithmique faisait « ses preuves et avec des garanties », elle « pourra être utilisée pour de grands événements » dans le futur.