En Chine, où le pin est symbole de longévité et d'immortalité, c'est peu de dire que les personnes âgées sont respectées, quand elles ne sont pas vénérées tant le culte des ancêtres fait partie intégrante de la culture du pays. Dès lors, difficile d'imaginer que les autorités chinoises puissent se tourner vers des entreprises françaises pour participer aux opérations visant à atteindre les objectifs du 12e Plan quinquennal. Même si ceux-ci sont très ambitieux, puisqu'ils prévoient notamment de multiplier par 3, de 3 à 9 millions, le nombre de lits des établissements d'hébergement de personnes âgées dépendantes (Ehpad), autrement dit maisons de retraite.C'est pourtant bel et bien le cas, tant le savoir-faire français en la matière est reconnu dans l'empire du Milieu, comme en témoigne Ninie Wang, la fondatrice et présidente de Pinetree, le numéro un chinois des services à domicile pour les personnes âgées, dans une interview aux « Echos » (lire ci-dessous). De fait, au moins trois groupes français d'Ehpad nourrissent des projets en Chine, à savoir Orpea, le numéro deux du secteur en Europe, DomusVi, numéro trois en France, et le plus petit des grands, Colisée. Paradoxalement, c'est celui-ci qui, le premier, a jeté son regard sur ce gigantesque marché potentiel.Depuis 2008, ce groupe bordelais créé il y a vingt ans par Patrick Teychenay, a créé une société, China Colisée Beijing, basée dans la capitale chinoise avec une petite équipe missionnée pour défricher le terrain.

Un marché colossal

Les dirigeants de Colisée, comme ceux d'Orpea et de DomusVi, ont fait la même analyse. Ils ont d'abord anticipé la stagnation du marché français que Jean-François Vitoux, le président du directoire de DomusVi, résume ainsi : « Après le traumatisme de la canicule de l'été 2003, il y a eu beaucoup d'ouvertures nouvelles qui ont fini par quelque peu saturer le marché. » Ainsi, sur les trois dernières années, seuls 15 appels à projets auront été lancés par les agences régionales de santé (ARS). Les professionnels estiment que le marché devrait à nouveau se tendre vers 2020. Or, à cet horizon, la Chine comptera 245 millions d'habitants de plus de 60 ans, contre 194 en 2012 dans un contexte d'urbanisation croissante et avec deux générations d'enfants uniques pour qui la charge des parents et grands-parents peut vite devenir insupportable, malgré la piété filiale.Premier arrivé, Colisée ne sera peut-être pas le premier implanté. Sa coentreprise avec un partenaire local, qui passe pour être l'une des plus grosses entreprises d'Etat, devrait être finalisée à l'été, tandis qu'un premier projet se profile d'une maison de 220 lits médicalisés à Canton. Trois autres seraient dans les tuyaux à Shenzhen, Chengdu et Kunming, la capitale du Yunnan. De son côté, DomusVi et le fonds d'investissement chinois Hanfor ont annoncé fin mars la création d'une société commune Duomei, avec pour ambition de gérer 100 maisons de retraite et 20 agences d'aide à domicile d'ici à cinq ans, et d'ores et déjà 5 à 6 projets en portefeuille.Finalement, c'est Orpea qui pourrait avoir le premier établissement opérationnel. Le groupe français table sur l'ouverture de 180 lits au sein du tout nouvel hôpital de Nankin au 1er semestre 2015 dans le cadre d'une Wofe (« wholy owned foreigner enterprise »), société détenue à 100 % par Orpea. Deux autres projets sont dans les cartons à Shanghai et à Pékin, et une convention a été signée avec la China Development Bank, celle-là même qui est un des partenaires financiers de Duomei.