Le 23 avril, les fédérations de fonctionnaires avaient écrit à Manuel Valls pour lui demander une « audience intersyndicale ». Le Premier ministre a pris son temps et choisi de répondre deux jours seulement avant la mobilisation à laquelle toutes appellent aujourd'hui les quelque 5 millions d'agents de l'Etat, des collectivités territoriales et des hôpitaux. Et son ton n'a rien de conciliant. Manuel Valls leur oppose une double fin de non-recevoir. Non seulement, il ne fait aucune référence à leur demande d'audience, mais, reprenant ce qu'il a dit dans son discours de politique générale, il souligne « la contribution déterminante [des fonctionnaires] à notre effort collectif de redressement ». Contraste flagrant avec son prédécesseur, Jean-Marc Ayrault, qui avait répondu dans les 24 heures en abondant dans leur sens lorsque les syndicats de fonctionnaires lui avaient demandé de confirmer par écrit le fait que le mécanisme d'avancement des agents ne serait pas remis en cause.Le Premier ministre confirme la stratégie du choc frontal avec les fonctionnaires exposée devant les députés mi-avril, quand il a décidé de geler le point de la fonction publique jusqu'en 2017 (« Les Echos » du 17 avril). Il parie manifestement sur un échec de la mobilisation aujourd'hui. Celle-ci constitue pourtant un petit événement : cela fait près de sept ans qu'il n'y a pas eu unanimité syndicale pour organiser une journée d'action sur les salaires - surtout - et l'emploi.

Prévisions mitigées

« Nous avons des signes de mobilisation aujourd'hui dans toutes les régions », affirme Brigitte Jumel, de la CFDT. « La mobilisation risque de ne pas être révélatrice de la réalité du terrain car les fonctionnaires se sentent un peu coupables, compte tenu de l'image qu'on leur renvoie, celle de salariés protégés et bien payés », avertit cependant Bernadette Groison (lire ci-dessous), alors que les prévisions de grévistes dans l'enseignement primaire laissent augurer d'un mouvement « plutôt modeste » selon le ministère de l'Education. « Il n'y a pas eu d'appel général à la grève, donc le taux de grévistes ne suffira pas à apprécier l'ampleur de la mobilisation », ajoute un fin connaisseur du climat social dans la fonction publique.En tout cas, « ce ne sera pas un "one shot" pour la CGT s'il n'y a aucun élément d'évolution de la politique gouvernementale », dit déjà le numéro un de son Union des fonctionnaires, Jean-Marc Canon. Un point de vue partagé par ses homologues, sur fond d'élections dans la fonction publique fin 2014.