C'est un chiffre qui tombe mal pour le gouvernement avant les législatives anticipées, lui qui cherche à défendre son bilan économique face à des oppositions très critiques. Quelque 60.210 entreprises françaises sont entrées en procédure de défaillances ou de cessation de paiement sur un an à fin mai, selon les données publiées jeudi par la Banque de France. Ce niveau est « légèrement supérieur » au niveau moyen mesuré sur la période 2010-2019 qui s'élevait à 59.342 procédures par an, comme en avril.

Si la hausse des défauts est un peu moins forte ces derniers mois, la vague continue de monter. Et un phénomène inquiète de plus en plus les économistes : les défaillances hors microentreprises, les plus significatives, sont au plus haut avec 5.161 défauts recensés sur un an fin mai. « Le dernier record datait de septembre 2009, après la crise financière, avec 4.825 défaillances », rappelle François Geerolf, économiste à l'OFCE.

Fragilisation du tissu entrepreneurial

Une étape a été franchie ces derniers trimestres selon les experts. « La hausse des défaillances ne peut plus être imputée au rattrapage post-Covid seulement », estime Charles-Henri Colombier, directeur de la conjoncture chez Rexecode. Elle relève aussi d'une fragilisation d'une partie du tissu entrepreneurial.La remontée des taux d'intérêt, le ralentissement économique, la hausse des coûts de production créé par le contexte inflationniste : les conditions d'exploitation des entreprises se sont durcies. Les plus petites ne sont pas les seules à aller au tapis. Les difficultés s'accélèrent désormais sur les sociétés de taille plus importante. Sur un an, 1.950 sont entrées en défaillance, un chiffre en hausse de 38 %, avec à la clé d'importantes conséquences en termes d'emplois menacés, de valeur ajoutée, etc.Parmi celles-ci, 63 entreprises de taille intermédiaires (ETI) - contre 33 en moyenne entre 2010 et 2019 - ont engagé des procédures collectives. Sur un vivier de quelque 6.200, cela reste un « phénomène marginal », tempère Florence Naillat, déléguée générale adjointe du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti). « Néanmoins, il n'est pas à négliger », alerte-t-elle. Selon elle, celles qui sont tombées ont été victimes des toutes dernières crises.

Concentration des défauts

« La hausse des charges et le durcissement des conditions de financement se sont ajoutés au remboursement de PGE, parfois substantiel et au trou d'air créé par le Covid », résume-t-elle. Pour certains « poids moyens » de l'économie - « des sous-traitants de l'aéronautique, par exemple » -, cela a été le coup de grâce.Des ETI ont aussi fait défaut dans des secteurs en souffrance. Les procédures sont d'ailleurs concentrées dans trois d'entre eux selon la Banque de France : l'« industrie manufacturière », le « commerce, réparation d'automobiles », et les « conseils et services aux entreprises ». En prenant toutes les tailles d'entreprises, la construction reste le secteur le plus sinistré. Ce sont les activités immobilières qui enregistrent la plus forte flambée de défauts (+43 %).

Selon Charles-Henri Colombier, il faudra du temps pour que la vague des défaillances amorce sa décrue. De fait, l'assouplissement de la politique monétaire va être progressif. « Les taux d'intérêt vont donc se maintenir un moment encore à des niveaux élevés par rapport à ces dernières années avec une inflation qui reflue vers 2 % », explique-t-il. De quoi compliquer l'équation de beaucoup d'entreprises dans les prochains mois.