Le smartphone est l'outil indispensable pour connecter le prochain milliard d'internautes. Les fabricants de mobiles le savent, et ils ont d'ores et déjà commencé à faire évoluer leurs stratégies pour équiper cette population, principalement installée dans les pays émergents. La course aux fonctionnalités complexes et au design léché n'est plus de rigueur : place à la simplicité, à la robustesse, et surtout aux prix abordables. « Les moteurs de l'adoption du smartphone changent. De nouvelles règles s'imposent sur ces nouveaux marchés. Le haut de gamme ne sera pas l'élément principal pour capter la croissance dans ces régions », écrivaient les analystes d'IDC dans une note fin février. Selon le cabinet, le prix moyen des terminaux va continuer de baisser dans les années à venir : il devrait passer de 335 dollars en 2013 à 260 dollars en 2018. L'an dernier, le nombre de smarpthones à moins de 150 dollars s'élevait à 322 millions. Et il devrait encore croître.Le Salon du mobile de Barcelone, organisé il y a deux semaines, témoigne de cette nouvelle tendance. Si Samsung et Sony ont présenté leurs modèles phares, l'essentiel des annonces concernait l'entrée de gamme. Et les marques chinoises ne sont plus seules sur ce créneau. Nokia a surpris en dévoilant ses premiers modèles sous Android (Nokia X), alors même que le groupe finlandais va céder sa branche mobiles à Microsoft, avec lequel il avait signé un partenariat en 2011 pour utiliser Windows Phone. Mais embarquer le logiciel Android, gratuit, lui permet de vendre des smartphones à moins de 100 euros. De son côté, BlackBerry a présenté deux nouveaux smartphones, dont l'un, destiné au marché indonésien dans un premier temps puis à l'Asie du Sud-Est, sera commercialisé à moins de 150 euros.

Nouvelle hiérarchie

« La conquête de ces nouveaux marchés peut rebattre les cartes dans le secteur du mobile », estime Virginie Lazès, directrice associée au sein de la banque Bryan Garnier & Co. En témoigne la récente ascension des fabricants chinois comme Huawei, ZTE et Lenovo dans la hiérarchie mondiale. Ce dernier compte profiter de son expérience et de son savoir-faire sur son marché domestique, ainsi que de la largeur de sa gamme avec des produits à moins de 100 dollars, pour poursuivre son expansion hors de ses terres et notamment dans les émergents. « La Chine est un véritable laboratoire pour nous, compte tenu de la taille du marché et de la diversité des populations cibles », explique Augustin Becquet, directeur de l'activité télécoms pour la zone Europe-Afrique-Moyen-Orient chez Lenovo.Pour vendre un smartphone à moins de 100 dollars, difficile d'utiliser les processeurs les plus puissants ou les écrans les plus performants. « Ces modèles n'embarquent pas les technologies dernier cri, mais l'enjeu n'est pas là : il s'agit avant tout de proposer un produit fiable qui permette d'accéder à Internet », rappelle un fabricant. Le choix du système d'exploitation peut aussi entrer en ligne de compte. Microsoft, désireux de rattraper son retard travaille avec le fabricant de puces Qualcomm pour mettre au point des modèles à moindre coût. La Fondation Mozilla, qui a créé le navigateur Web Firefox, a développé de son côté une nouvelle version de son système d'exploitation mobile, sorti l'an dernier, qui permettrait de vendre un smartphone à 25 dollars. A ce prix-là, le prochain milliard d'internautes pourrait être rapidement atteint.